La Suisse refuse d’expulser les diplomates espions
Alors que 100 000 engins pilotés à distance survolent déjà la Suisse, un groupe d’experts aide à établir les règles d’utilisation et les responsabilités de leurs propriétaires
Berne ne prend aucune mesure contre les diplomates russes, comme l’ont fait les Européens. Au nom de la neutralité. Et d’une diplomatie très accommodante
Que faire après l’emploi d’armes chimiques contre un dissident russe dans la ville anglaise de Salisbury? Le Conseil fédéral en discutera sans doute mercredi, mais la réponse est connue d’avance: rien du tout. La Suisse a précisé mardi qu’elle ne s’associerait pas aux expulsions de diplomates russes décidées par les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN. Certes, l’utilisation d’un agent neurotoxique militaire dans un parc public est «particulièrement préoccupante», admet le Département fédéral des affaires étrangères. Mais «avant que la Suisse ne tire ses propres conclusions […] il faut d’abord attendre les résultats des enquêtes en cours» en Grande-Bretagne.
En fait, depuis 25 ans, la Suisse n’a jamais renvoyé de diplomates étrangers. Elle n’a pas sévi contre les représentants turcs après la tentative ratée d’enlèvement d’un homme d’affaires sur sol helvétique. Un récent rapport fédéral affirmait que les espions pouvaient représenter jusqu’à un quart des diplomates accrédités en Suisse pour «un certain pays». Mais la neutralité et la tradition des bons offices font que Berne évite de fâcher les pays étrangers, y compris quand leurs représentants dérapent.
Des trams aériens, des chevaux-robots, des taxis-drones sur le toit de la gare de Zurich. C’est ainsi que les personnes sondées l’an dernier par la Haute Ecole de Lucerne imaginent la mobilité du futur. La réalité sera-t-elle éloignée de cette vision?
Les engins volants télécommandés font déjà partie du paysage helvétique. Environ 22000 drones sont vendus chaque année et plus de 100000 volent dans le ciel du pays. La demande est telle que l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC), qui délivre les autorisations pour les appareils de plus de 30 kilos et pour ceux avec lesquels le contact visuel n’est pas direct, est submergé: il a été obligé en décembre de «suspendre le traitement des demandes» pendant plusieurs mois. Comme pis-aller, il publie sur son site une marche à suivre permettant à l’acheteur de savoir s’il doit obtenir une autorisation de vol.
Sur le plan politique, les interrogations se multiplient. Une demi-douzaine de parlementaires, parmi lesquels Manuel Tornare (PS/GE) et Martin Candinas (PDC/ GR), se sont faits les auteurs d’interventions demandant de clarifier le cadre légal, d’évaluer les dangers, d’exiger l’enregistrement de chaque multicoptère. TA-Swiss, centre de compétence technologique des académies suisses des sciences, a lancé un projet d’étude sur la question. Son rapport final, intitulé «Drones civils – enjeux et perspectives», a été rendu public mardi.
La «drone Valley» lémanique
Les possibilités d’utilisation sont multiples: prises de vue aériennes, transport de matériel et de substances – La Poste a lancé en 2017 un projet pilote de transfert de tests sanguins entre deux hôpitaux tessinois –, recherche de personnes disparues, épandage de produits phytosanitaires ou fertilisants, livraison de matériel dans des zones sinistrées ou difficiles d’accès, surveillance aérienne, etc. Et le transport de personnes, les taxi-drones de l’enquête lucernoise? Les chercheurs sont plus dubitatifs: «Les questions de sécurité sont encore beaucoup trop nombreuses» pour envisager une telle offre dans les années à venir, écrivent-ils après avoir sondé une soixantaine d’experts. «Peu d’entre eux oseraient monter à bord d’un drone autonome pour se déplacer, alors qu’ils le font sans aucune inquiétude lorsqu’il s’agit d’un engin terrestre, comme un train autonome ou un métro sans pilote», poursuivent-ils. Ils relèvent que les drones suscitent une plus grande méfiance en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. C’est notamment dû à l’existence, dans le bassin lémanique, d’une «drone Valley», pépinière de start-up notamment issues de l’EPFL qui se sont spécialisées dans cette technologie.
Ces objets volants éveillent diverses craintes: «La principale est l’atteinte à la sphère privée», relève Markus Christen, directeur de la Digital Society Initiative de l’Université de Zurich et membre du groupe de projet. La protection de l’intimité est en effet un élément clé: les gens n’apprécient guère de voir un aéronef survoler leur bain de soleil ou faire du surplace devant la fenêtre de leur salon. Les caméras dont les drones sont équipés «peuvent voir là où l’oeil humain n’a pas voix au chapitre», observent, dans un style bien champignacien, les auteurs de l’étude. Markus Christen considère cependant que l’enjeu le plus délicat est la sécurité: risques de collisions en vol, de blessures ou de dommages au sol lors d’une perte de contrôle, par exemple.
Projet pilote de Skyguide
Le groupe de projet émet plusieurs recommandations. Plutôt que la promulgation d’une «lex drone», il suggère d’intégrer les engins pilotés à distance dans différentes lois, comme celle sur la protection des données. Il suggère la création d’un registre national d’identification et attend des constructeurs et vendeurs qu’ils informent leurs clients de leurs obligations légales, du respect de la sphère privée et de la protection des zones environnementales sensibles. Il souhaite une formation pour les pilotes et des mesures de prévention contre les utilisations illégales telles que la contrebande, la dispersion de produits toxiques ou l’acte terroriste. Les auteurs admettent qu’il sera difficile de couvrir la totalité des risques.
Enfin, ils saluent l’initiative du contrôleur aérien Skyguide, qui est en train d’établir un système de gestion du trafic des drones nommé Swiss U-Space. Skyguide travaille avec l’agence AirMap, numéro un mondial des plateformes spécialisées dans les drones. Une phase pilote va démarrer en juin. Ce système combine différentes prestations: enregistrement dans une base de données blockchain, géorepérage et autorisation numérique de vol, connectivité entre les pilotes au sol, l’OFAC et Skyguide. Enfin, le groupe de travail juge opportun de créer une zone de tests nationale.
Ces objets volants éveillent diverses craintes. La principale est l’atteinte à la sphère privée. Les drones suscitent une plus grande méfiance en Suisse alémanique qu’en Suisse romande