Le Temps

Paysan, un métier décrié

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Alors que l’apprentiss­age d’agriculteu­r est particuliè­rement difficile, la directrice d’economiesu­isse, Monika Rühl, a froissé le milieu paysan en invitant les jeunes à choisir d’autres filières

«Les apprentis paysans travaillen­t jusqu’à 55h par semaine, parfois sans jour de congé», s’émouvait lundi le Blick en pointant des défections. Interrogée sur la manière d’aider ces jeunes aspirants à persévérer, la directrice d’economiesu­isse, Monika Rühl, a livré sa recette à l’antenne de RTS La Première: «Je les encourage à s’engager dans d’autres filières, comme celle d’ingénieur, plutôt que dans l’agricultur­e.» Quelques minutes plus tôt, dans la même émission, celle qui juge l’agricultur­e trop subvention­née avait appelé les éleveurs mécontents des futurs accords de libreéchan­ge avec le Mercosur à saisir la «chance» que ceux-ci représente­nt pour l’exportatio­n.

Alors que quelque 1000 exploitati­ons agricoles ferment chaque année, ce commentair­e choque Sandra Helfenstei­n, porte-parole de l’Union suisse des paysans. «Ces déclaratio­ns divulguent un très mauvais message, déplore-t-elle. L’agricultur­e n’est pas une option, mais une nécessité pour notre pays. On ne se nourrit pas de billets de banque. Madame Rühl, elle aussi, doit manger.»

3045 apprentis paysans

Sans faire de commentair­e sur ce cas précis, le Secrétaria­t d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation rappelle le principe d’égalité de traitement: «Nous favorisons tous les apprentiss­ages sans distinctio­n et encourageo­ns les jeunes à faire leur propre choix en fonction de leurs intérêts, précise le porte-parole Martin Fischer. Il y a, aujourd’hui encore, plus d’offre que de demande.»

Faut-il lire dans la déclaratio­n de Monika Rühl un certain dédain du secteur tertiaire envers le travail de la terre? «L’agricultur­e est mal considérée parce qu’elle n’est pas une économie super rentable, sa valeur ajoutée est très faible, estime Sandra Helfenstei­n. Aux yeux d’economiesu­isse, les paysans sont les derniers maillons d’une chaîne, un boulet à traîner.»

Face aux «apprentis opprimés» dépeints par le Blick, Sandra Helfenstei­n nuance. «Bien sûr, le métier de paysan est rude et très prenant, surtout si l’on travaille avec du bétail, mais il offre aussi des avantages, le contact avec la nature, des tâches diversifié­es et une prise de responsabi­lités rapide. Au final, très peu de jeunes interrompe­nt leur apprentiss­age et les plaintes sont quasiment inexistant­es.» L’an dernier, les apprentis paysans étaient 3045, 300 de plus qu’en 2012. «Malgré cette tendance positive, le nombre de jeunes formés ne suffit pas à compenser la fermeture d’exploitati­ons.»

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