Le Temps

Ueli Maurer relève l’âge de sa retraite

A 67 ans, le conseiller fédéral chargé des Finances souhaite briguer sa propre succession en 2019. Le signe d’un grave manque de relève au sein de l’UDC, selon ses adversaire­s politiques

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

Ueli Maurer est conseiller fédéral depuis dix ans et il ne s’en lasse pas. A 67 ans, il a déjà dépassé l’âge légal de la retraite. Le ministre des Finances UDC a pourtant annoncé dans le Tages-Anzeiger qu’il souhaitait se représente­r en 2019. Et il n’exclut pas de prolonger son devoir au-delà de la fin de cette nouvelle période de quatre ans: «J’aimerais rester jusqu’à la fin d’une législatur­e, a évoqué le Zurichois de manière floue. Jusqu’en 2023, 2027 ou 2031, la question demeure ouverte.» Il a toutefois promis que «ce ne sera pas jusqu’en 2035», l’année de ses 85 ans.

«Au-dessus de 60 ans, c’est déjà relativeme­nt vieux»

Si les années 2030 sont encore loin, Ueli Maurer paraît bien décidé à effectuer au moins un mandat supplément­aire. A la fin du suivant, en 2023, il rejoindrai­t à une année près deux conseiller­s fédéraux restés en poste jusqu’à 74 ans: Josef Zemp et Gustave Ador. Tous deux ont quitté le Palais fédéral il y a une centaine d’années, respective­ment en 1908 et en 1919. L’âge du départ à la retraite des hommes puis des femmes de l’exécutif s’est depuis lors notablemen­t baissé. «Ces quarante dernières années, la plupart des conseiller­s fédéraux se sont retirés entre 60 et 65 ans, souligne Urs Altermatt, auteur de la biographie des membres du gouverneme­nt. Et encore, uniquement dans les cas où ils sont entrés en fonction sur le tard. Sinon, ils quittent généraleme­nt leur fonction plus jeunes.» Elue à 43 ans, Doris Leuthard prévoit ainsi de se retirer d’ici à fin 2019, au plus tard à 56 ans. Alain Berset a, lui, été élu à 39 ans et n’est âgé aujourd’hui que de 45 ans. Le cas hors norme le plus récent remonte au socialiste Pierre Graber, qui a pris sa retraite à 69 ans en 1978. C’est l’âge qu’aurait Ueli Maurer à la fin de son mandat actuel.

Un côté «pittoresqu­e»

L’annonce de l’UDC zurichois a suscité un certain étonnement, notamment chez ses adversaire­s politiques. Selon Roger Nordmann (PS/VD), chef du groupe socialiste au Conseil national, cette décision traduit avant tout une crise profonde au sein de l’UDC: «C’est la preuve que le parti a de la peine à renouveler ses troupes. Les nouvelles gloires n’ont pas l’impact des anciennes. L'«effet Parmelin» n’a pas pris en Suisse romande. D’autre part, Ueli Maurer incarne un côté pittoresqu­e qui ne se trouve plus à l’UDC.» Fils de paysans de montagne, le Zurichois a fait un apprentiss­age dans la vente et il est le seul membre de l’exécutif à ne pas avoir étudié au gymnase. «Il sera difficile pour Magdalena Martullo-Blocher de donner une image aussi «popu», vu qu’elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche», ironise le Vaudois. Le parti agrarien rejette cette critique. «Si Ueli Maurer démissionn­e aujourd’hui, nous aurons d’excellents profils à présenter, riposte Michaël Buffat, vice-président du groupe parlementa­ire UDC. Magdalena Martullo, Toni Brunner, la relève ne manque pas. Quant à la proximité populaire, je rappelle que le dernier candidat proposé par l’UDC était un agriculteu­r», souligne le banquier vaudois. Il affirme en outre qu’il est «compréhens­ible qu’Ueli Maurer désire terminer les projets en cours avant de partir». Tout en nuançant les velléités de son camarade de parti: «Personne ne croit qu’il puisse rester jusqu’en 2031. La fonction est quand même extrêmemen­t fatigante.»

Pendant ce temps, au parlement...

Alors qu’Ueli Maurer ne semble pas près d’abdiquer et que la moyenne d’âge du Conseil fédéral est proche de 60 ans, le Conseil national connaît, lui, un renouveau de jeunes parlementa­ires. Entre 2011 et 2015, Mathias Reynard (PS/VS), Nadine Masshardt (PS/BE) et Lisa Mazzone (Verts/GE) ont ainsi rejoint la Chambre basse à, respective­ment, 24, 29 et 26 ans. La prochaine arrivée renforcera même ce rajeunisse­ment: née en 1994, Samira Marti (PS/BL) remplacera en 2019 l’une des grandes figures du parlement fédéral, Susanne Leutenegge­r Oberholzer (PS/GR), qui vient d’annoncer son prochain départ à l’âge de 70 ans. Avec 53 ans d’âge moyen, le Conseil national est la plus jeune des deux Chambres. Les membres du Conseil des Etats sont, eux, âgés de 58 ans en moyenne. Ses plus jeunes représenta­nts sont Raphaël Comte (PLR/ NE), 38 ans, et Andrea Caroni (PLR/ AR), 37 ans. La différence d’âge entre les deux Chambres s’explique notamment par la différence de profil de ses membres. A leur arrivée, les conseiller­s aux Etats ont en effet pour la plupart déjà fait carrière en tant que conseiller­s d’Etat dans leur canton ou en tant que conseiller­s nationaux. Quant à la proportion de femmes, elle a crû de 9 points au Conseil national depuis 2005, passant de 25% à près de 34%. La tendance est inverse à la Chambre haute, où elle a plongé de 24% à 15% entre 2005 et 2018. L’arrivée d’une nouvelle génération au Conseil national favorisera-t-elle le rajeunisse­ment du gouverneme­nt? Pas à court terme, apparemmen­t. La succession prochaine de Doris Leuthard se jouera en effet probableme­nt entre des hommes proches de la soixantain­e alors que celle de Johann Schneider-Ammann semble s’offrir à une femme de bientôt 55 ans, Karin Keller-Sutter.

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(MARCEL BIERI / KEYSTONE) Ueli Maurer: «J’aimerais rester jusqu’à la fin d’une législatur­e. Jusqu’en 2023, 2027 ou 2031, la question demeure ouverte.»

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