Le Temps

«La Suisse a besoin des accords de libre-échange»

- PROPOS RECUEILLIS PAR RAM ETWAREEA @ram52

Le président d'economiesu­isse Heinz Karrer révèle que les contacts sont renoués entre Berne et l'administra­tion Trump en vue d'un accord bilatéral et que les signaux sont positifs. Mais, pour l'heure, ce sont les négociatio­ns avec le Mercosur qui sont prioritair­es

Lancé en 2001 par l'Organisati­on mondiale du commerce (OMC), le Cycle de Doha, dont le but est de poursuivre la libéralisa­tion du commerce des marchandis­es et des services, est mort. Dès lors, les Etats multiplien­t les accords bilatéraux de libre-échange. La Suisse en a signé une trentaine, y compris avec de grandes puissances comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud, et a ouvert une dizaine de chantiers. L'organisati­on patronale economiesu­isse pousse la Confédérat­ion à continuer dans cette direction. Son président, Heinz Karrer, dresse un état des lieux des négociatio­ns en cours, au moment où celles avec le Mercosur deviennent, pour lui, une urgence. Il récuse toutefois l'accusation selon laquelle le patronat voudrait sacrifier l'agricultur­e suisse.

Pour economiesu­isse, les accords de libre-échange (ALE) sont une nécessité, juste?

Oui, nous en avons besoin pour accéder aux nouveaux marchés. C'est important parce que les exportatio­ns comptent pour 40% du produit intérieur brut (PIB) de la Suisse. L'accès aux marchés dépend certes des règles multilatér­ales établies par l'Organisati­on mondiale du commerce ou des accords plurilatér­aux. Les ALE nous ouvrent de nouvelles portes.

Quels sont les pays prioritair­es pour la Suisse?

«Les Etats-Unis sont notre première priorité compte tenu de leur potentiel»

Les Etats-Unis sont notre première priorité compte tenu de leur potentiel. Après plusieurs années de blocage, les perspectiv­es s'ouvrent. J'ai prévu prochainem­ent une rencontre à ce sujet avec l'ambassadeu­r des Etats-Unis à Berne. Le Conseil fédéral est aussi en contact avec les autorités américaine­s. En réalité, la plupart des signaux sont positifs. Ensuite, il y a l'Inde. Les négociatio­ns sont pour leur part difficiles. New Delhi veut accorder une faible protection à la propriété intellectu­elle, ce qui, pour nous, est inacceptab­le. La Suisse a aussi un grand intérêt à conclure un ALE avec l'Indonésie, un pays de 270 millions de consommate­urs potentiels. Il y a toutefois deux obstacles: d'abord la faible protection de la propriété intellectu­elle, mais les Indonésien­s se montrent conciliant­s sur ce sujet; le gouverneme­nt pourrait la régler avec un décret. Ensuite, ils veulent un accès libre pour leur huile de palme. C'est un sujet difficile pour nous, mais nous pourrions trouver une solution avec un système de certificat­ion.

L'autre gros morceau, c'est le Mercosur…

En effet. Tout indique que les quatre membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) sont favorables à un ALE avec la Suisse. Ils ont besoin d'investisse­ments étrangers. Pour notre part, il y a urgence. L'Union européenne (UE) est sur le point de conclure un accord. Sans un accord Suisse-Mercosur, nos exportateu­rs seront discriminé­s par rapport à ceux de l'UE. Un prochain round de négociatio­ns est prévu en avril. Et le conseiller fédéral chargé de l'Economie prévoit de se rendre dans les quatre pays le mois prochain. Le Mercosur est un grand exportateu­r de viande de boeuf et demande un accès plus important à notre marché. Ils voudraient écouler quelque mille tonnes supplément­aires par rapport à leurs exportatio­ns actuelles. Nous devrions être en mesure d'absorber cela.

Les paysans suisses ont le sentiment qu'ils sont sacrifiés au profit des exportateu­rs industriel­s. Pourquoi economiesu­isse n'ouvre-t-elle pas un dialogue sérieux avec eux?

Mais nous en avons déjà! Nous nous réunissons deux fois par an pour un tour d'horizon. Et nous avons d'autres réunions sur des sujets ponctuels. Je peux comprendre leur inquiétude. Il faut savoir que nos agriculteu­rs ne profitent que de 25% des droits de douane sur les produits agricoles importés, le reste alimente le budget de la Confédérat­ion.

Mais reconnaiss­ez-vous que l'agricultur­e suisse n'est pas qu'une question de marché et de droits de douane?

Bien sûr. L'agricultur­e fait partie de l'ADN de notre pays. Elle joue un rôle tant dans l'approvisio­nnement alimentair­e que dans la protection de l'environnem­ent et la sauvegarde de nos paysages. Mais il faut un équilibre entre la protection de l'agricultur­e et le développem­ent de l'ensemble de notre économie, dans l'intérêt de notre pays. ▅

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HEINZ KARRER PRÉSIDENT D ECONOMIESU­ISSE

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