Le Temps

ALESSANDRO CRESTA, PALME D’OR DES VINS VAUDOIS

- @albanegcd

PAR ALBANE GUICHARD Le directeur général du prestigieu­x Hôtel Martinez à Cannes s’est vu remettre les insignes de commandeur de l’Ordre des vins vaudois. Un retour aux sources pour ce Lausannois de naissance et ambassadeu­r des produits suisses aux quatre coins du monde

Ah, Cannes, son festival, la Croisette, l’Hôtel Martinez et ses vins… suisses! Le 22 mars, sur la terrasse du restaurant La Palme d’Or, les premiers rayons de soleil printanier­s ont fait étinceler la robe dorée d’un chasselas vaudois comme les bijoux des plus grandes stars de cinéma. Par-dessus le roulis des vagues et le bruissemen­t des palmiers, les convives ont fait tinter leurs verres pour célébrer l’amour du bon vin et le savoir-faire de l’hôtellerie, réunis en un seul homme.

Alessandro Cresta, le directeur général du Martinez Grand Hyatt, a réussi le pari fou d’importer les vins vaudois sur la Côte d’Azur. Lors d’une cérémonie officielle à Cannes, le Lausannois a reçu les insignes de commandeur de l’Ordre des vins vaudois. Un titre rare qui n’est offert qu’à ceux qui «aiment boire et boivent bien», selon Pierre Keller, l’allègre président de l’Office des vins vaudois, pour qui Alessandro Cresta connaît l’hôtellerie «de la cave au grenier, peut-être même plus à la cave qu’au grenier». Avant même de recevoir ces insignes, l’homme à la tête du Martinez faisait déjà, par plaisir, la promotion des vins suisses dans ses hôtels, de Paris à Dubaï en passant par Cannes. Pour lui, le titre de commandeur est avant tout «une reconnaiss­ance et une responsabi­lité» qu’il prend à coeur, comme tout ce qu’il entreprend dans sa vie profession­nelle.

PARCOURS SANS FAUTE

Né à Lausanne de parents italiens, Alessandro Cresta grandit rue du Tunnel et obtient un CFC en service, sommelleri­e et cuisine. En bon Lausannois qu’il est, il rêve de l’Ecole hôtelière mais n’est pas accepté. Il intègre finalement celle de Genève dont il sort diplômé en 1989. Très rapidement, ce passionné s’envole pour Dubaï avant de devenir directeur général du Carlo IV à Prague. Le Martinez lui tape déjà dans l’oeil en 2007, alors que le palace appartient encore au groupe Concorde et qu’Alessandro Cresta en est le directeur adjoint. Deux ans plus tard, il dirige l’Hôtel du Louvre, rue de Rivoli à Paris, puis le Park Hyatt Paris-Vendôme en 2013. Lors d’une réception à l’ambassade suisse, il croise le chemin de Philippe Gex, membre de l’Office des vins vaudois. Le vigneron garde un souvenir ému de cette rencontre: «Parfois, il suffit de quelques minutes devant un chasselas pour fraternise­r. Avec Alessandro, nous avons refait le monde autour de non pas une mais plusieurs bouteilles et, depuis, nous avons gardé une belle amitié.»

Chaque hiver, dans le jardin du Park Hyatt, Alessandro Cresta fait installer un chalet suisse où est servie la raclette. «Il n’y avait qu’une seule table. Pour être authentiqu­e, il fallait le racloir et bien sûr les vins vaudois», se souvient l’ancien directeur du palace de la luxueuse place Vendôme. Grâce à Philippe Gex, il inscrit quelques vins du canton de Vaud sur la carte du restaurant, un défi de taille dans un pays où le chauvinism­e viticole règne. «En France, je n’ai jamais trouvé un seul caviste qui vend des vins suisses», se désole Alessandro Cresta. Les cépages helvétique­s pâtissent malheureus­ement d’une piètre image à l’étranger. Ils ne sont pas connus parce que la production est indigène, qu’ils ne sont pas exportés et aussi, il faut être honnête, parce qu’ils sont chers. Alors à son échelle, le Lausannois tente de faire rayonner les bouteilles vaudoises hors de leur canton: «Moi je les adore. Quand les gens viennent à la maison ou dans mon hôtel, je leur en fais déguster, je leur montre ce que la Suisse fait de bien.» Le rôle de commandeur de l’Ordre des vins vaudois semble en effet taillé pour lui.

LAUSANNOIS DE NAISSANCE ET DE COEUR

C’est grâce à son père, qui travaillai­t dans la restaurati­on, qu’Alessandro Cresta a développé très tôt le goût du vin. «Mon premier vin vaudois, c’était pendant le Comptoir suisse à Lausanne. Je devais avoir 14 ans, on y était allés avec mes parents et des amis, on mangeait la raclette et mon père m’avait donné un petit verre, raconte-t-il dans un rire franc. Je m’en souviens encore comme si c’était hier.» Lorsqu’il évoque les souvenirs et les anecdotes lémaniques, on sent la nostalgie poindre dans sa voix. «Lausanne me manque un petit peu quand même», confie celui qui retourne régulièrem­ent dans sa ville pour voir son frère, ses neveux et ses amis d’enfance avec qui il garde le contact.

De la terrasse de son hôtel cannois, Alessandro Cresta n’a pas vue sur les Alpes enneigées. Cela dit, la Croisette a quand même des airs d’Ouchy. «Les deux ont cette même approche, cette vision d’ouverture. On est au bord du lac, on est au bord de la mer, reprend le Lausannois. Ouchy a ce petit côté Croisette, comme Montreux que l’on surnomme la Riviera suisse.» S’il prononce encore «huitante» à la vaudoise, Alessandro Cresta a adopté le débit de parole chantant de la Côte d’Azur. A moins qu’il ne l’ait toujours eu: «J’ai été éduqué dans une famille italienne avec un environnem­ent suisse. Cette dualité se retrouve dans mon travail où je suis très structuré, donc très helvétique, mais avec un peu de folie italienne!»

UN FRANC SUCCÈS

Au Martinez Grand Hyatt, l’hôtelier suisse sélectionn­e personnell­ement les grands crus vaudois à la carte. Il en a choisi 10 au total, 3 pour le restaurant classique de l’hôtel et 7 pour La Palme d’Or, le gastronomi­que doublement étoilé tenu par Christian Sinicropi. Pour la cérémonie des vins vaudois, le chef a confection­né un menu sur mesure accompagné des meilleures bouteilles. Le Crosex Grillé remporte un franc succès auprès de ceux qui se laissent tenter, même si les clients du restaurant choisissen­t rarement un vin suisse d’eux-mêmes. «Lorsque je déjeune avec eux, je leur fais goûter les vins vaudois, surtout du blanc, et les gens sont très surpris. Il faut simplement les habituer et leur expliquer ce que c’est», assure Alessandro Cresta, toujours attentif à sa clientèle. A l’avenir, il aimerait proposer un vin vaudois au verre pour initier les plus craintifs.

Pour faire connaître ces crus dans le sud de la France, région des Côtes-de-Provence, Pierre Keller compte sur Alessandro Cresta pour organiser une grande dégustatio­n sur la Croisette. Le tout nouveau commandeur prend sa responsabi­lité très au sérieux. Il ne compte pas limiter son rôle d’ambassadeu­r à Cannes. Il entend faire découvrir le chasselas à l’étranger. «Et pourquoi pas organiser un cocktail avec des vins suisses dans nos ambassades de Russie ou des Etats-Unis où on a une grande clientèle?» se projette déjà le directeur du Martinez, qui tient à rappeler ses racines où qu’il aille dans le monde. «C’est toujours un clin d’oeil. Une manière de dire: «Je vis et travaille en France, mais je suis Suisse et je vous fais déguster quelque chose de différent.»

A la fin du repas, alors qu’Alain Brunier, le directeur de l’Ecole hôtelière de Genève, repart en direction de l’aéroport, son ancien élève ne peut s’empêcher de lui lancer un grand «Bonjour à la Suisse!». Même sur la Croisette, Alessandro Cresta n’oublie pas d’où il vient. «Je crois que j’ai trouvé ici à Cannes mon petit coin de Suisse», glisse-t-il dans un sourire.

«Je crois que j’ai trouvé ici à Cannes mon petit coin de Suisse»

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(ANOUSH ABRAR) Sur la terrasse du Martinez, Alessandro Cresta profite du soleil pour déguster un chasselas vaudois.

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