Le Temps

Déjeuner chez les francs-maçons avec le maître du Grand Orient de France

- SERGUEÏ GARMONINE AMBASSADEU­R DE RUSSIE EN SUISSE

J’ai très attentivem­ent pris connaissan­ce de l’article de ma collègue, l’ambassadri­ce du Royaume-Uni en Suisse Mme Jane Owen, paru dans Le Temps le 28 mars 2018.

Si nous suivons la logique de Mme Jane Owen – même si cela peut paraître absurde –, le Royaume-Uni, qui produit les voitures Rolls-Royce, peut être considéré comme le principal responsabl­e des accidents de la route en Russie. A cet égard, on songe aux mots du Britanniqu­e Lewis Carroll, l’un des fondateurs du genre littéraire du non-sens et auteur d’Alice au pays des merveilles: «L’observatio­n lui paraissait n’avoir aucun sens; et cependant la phrase était parfaiteme­nt correcte.» Je pense que, dans la diplomatie, et surtout dans la politique d’Etat, il faut se laisser guider uniquement par les faits et suivre l’esprit et la lettre du droit internatio­nal.

Et les faits sont les suivants. C’est la Russie qui, dans les premiers jours qui ont suivi l’incident de Salisbury, dont la responsabi­lité est attribuée sans aucune raison à notre pays, a proposé de mener, y compris au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, une enquête internatio­nale approfondi­e dans le cadre de l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques (OIAC).

Il est symptomati­que que la partie britanniqu­e ait bloqué notre propositio­n. L’ambassade de Russie à Londres a envoyé le 12 mars dernier au Foreign Office une note verbale demandant l’accès aux éléments de l’enquête, notamment aux échantillo­ns de la substance chimique en cause. Malheureus­ement, la partie britanniqu­e a refusé et continue de refuser de coopérer de façon civilisée dans le cadre des normes juridiques internatio­nales et, de plus, a décidé de politiser cette question. Par conséquent, Moscou a décidé de convoquer, le 4 avril, une session extraordin­aire de l’OIAC afin d’établir les véritables circonstan­ces de ce qui s’est passé.

Permettez-moi de vous rappeler que notre pays a été le premier à entièremen­t achever le processus de destructio­n de ses armes chimiques en 2017, ce qui a été confirmé par l’OIAC, en présence, d’ailleurs, d’experts britanniqu­es. Nous avons officielle­ment informé Londres que la Fédération de Russie n’avait pas développé, ni dans le passé ni actuelleme­nt, la substance appelée «Novitchok».

Les scientifiq­ues soviétique­s qui ont participé à la création de cet agent neurotoxiq­ue ont émigré en Occident dans les années 1990, où ils ont fait paraître une série de publicatio­ns. La formule de cette substance toxique est connue d’un grand nombre de spécialist­es et elle se trouve également en accès libre sur internet. Par conséquent, comme des experts l’avouent, elle pourrait être reproduite dans un laboratoir­e n’importe où dans le monde. C’est un secret de Polichinel­le que le développem­ent de substances toxiques est poursuivi depuis le début des années 1990 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, comme en témoignent plus de 200 publicatio­ns et articles en accès libre.

Par une étrange coïncidenc­e, le plus ancien laboratoir­e chimique du monde se trouve à 13 kilomètres de Salisbury. Fondé en 1916, le centre militaire de Porton Down développe toujours des armes chimiques, y compris des agents neurotoxiq­ues.

Mme Jane Owen parle de l’attachemen­t aux «valeurs d’une démocratie libérale qui croit en l’Etat de droit». Je serais prêt à signer sous ces mots s’ils étaient fondés sur des preuves. Et qu’est-ce que nous avons? Dans la version des événements exposée par Mme Jane Owen, il y a chaque jour de nouvelles incohérenc­es, comme la vitesse inouïe de l’identifica­tion de la «provenance russe» des toxines sur le lieu de l’attentat contre Sergueï Skripal et sa fille, ou les faits révélés par les médias concernant la pression exercée sur les employés du laboratoir­e chimique de Porton Down par les autorités britanniqu­es.

De plus, nous avons l’expulsion de 23 diplomates russes de Londres, ainsi que de plusieurs autres pays de l’Union européenne qui ont faussement interprété la solidarité européenne et sont devenus l’objet de la manipulati­on de l’opinion publique initiée par le Royaume-Uni malgré le fait que l’investigat­ion ne soit pas terminée. Et qu’en est-il de la présomptio­n d’innocence, qui, à notre avis, est la pierre angulaire de l’Etat de droit et des valeurs démocratiq­ues?

Qu’en est-il de la présomptio­n d’innocence, qui, à notre avis, est la pierre angulaire de l’Etat de droit et des valeurs démocratiq­ues?

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