Le Temps

Les composts contiennen­t trop de résidus de plastique

Selon une étude menée en Allemagne, de nombreux composts fabriqués à partir des déchets de cuisine et de jardin contiennen­t des microplast­iques, qui se retrouvent ensuite dans les champs. Un problème qui existe aussi en Suisse

- PASCALINE MINET @pascalinem­inet

Sous forme d’amas flottant au milieu des océans, dans le sable des plages tout autour du monde, mais aussi dans les grands lacs de Suisse ou d’Italie et dans des fleuves tels que le Rhin ou le Rhône: les résidus de plastique sont partout.

Cette contaminat­ion à large échelle a de multiples origines, qu’il s’agisse de rejets directs ou accidentel­s dans la nature, ou encore de disséminat­ion via les eaux usées. Une nouvelle étude, publiée dans Science Advances le 4 avril, met le doigt sur une autre source, encore peu documentée: le compost. Nos déchets de cuisine et de jardin sont de plus en plus souvent recyclés sous cette forme. Mais de nombreux composts sont contaminés par des microplast­iques qui se retrouvent dans les terres agricoles.

La valorisati­on des déchets organiques est indéniable­ment une bonne pratique écologique. Au lieu d’être incinérés, rebuts de cuisine et de jardin sont transformé­s par des micro-organismes, en présence ou en absence d’oxygène (on parle alors respective­ment de compostage et de fermentati­on). Les composts et digestats ainsi obtenus représente­nt de précieuses sources de substances nutritives et d’humus, qui servent à enrichir les terres agricoles.

De nombreuses usines sont par ailleurs équipées d’une unité de méthanisat­ion permettant de récupérer le biogaz produit lors du traitement des déchets et d’en tirer chaleur ou électricit­é. Selon l’Office fédéral de l’environnem­ent, 368 installati­ons de compostage et de méthanisat­ion existent en Suisse. Elles valorisent 1,2 million de tonnes de biodéchets en compost ou en digestat.

Emballages et sacs

Problème: une partie des «engrais de recyclage» issus de ce type d’installati­ons comprend des corps étrangers non souhaitabl­es dans les sols, notamment des résidus de plastique. C’est ce que documente l’étude parue dans Science Advances. Des chercheurs ont passé au crible les composts issus de trois usines de traitement de biodéchets en Allemagne, à la recherche de particules plastiques au diamètre inférieur à 5 mm.

Résultat: tous les composts tirés de biodéchets en contenaien­t, dans des proportion­s variables, allant de 14 à 146 particules par kilogramme de matière sèche. La nature des microplast­iques retrouvés suggère qu’ils étaient issus d’emballages et de sacs. A partir de leurs résultats, les auteurs évaluent qu’entre 35 et 2200 milliards de microparti­cules de plastique sont introduite­s chaque année dans l’environnem­ent en Allemagne par le biais des composts.

Aucune estimation globale n’existe pour la Suisse, mais les profession­nels du compostage sont aussi confrontés au problème du plastique dans les biodéchets. «La situation s’est améliorée mais nous trouvons toujours entre 30 et 40% de plastiques non compostabl­es dans nos installati­ons», indique Luc Germanier de la société Ecorecycla­ge, qui gère une usine de méthanisat­ion à Lavigny.

Cela s’explique en partie par la confusion découlant des nombreux termes utilisés pour qualifier les matières plastiques. Les sacs dits compostabl­es sont ainsi à privilégie­r par rapport aux sacs biodégrada­bles, qui ne se décomposen­t pas à la même vitesse que les résidus organiques. «Les distribute­urs Coop et Migros ajoutent à la complexité en proposant en caisse des sacs en plastique recyclé. Les clients pensent que cela signifie recyclable, donc compostabl­e, alors que ce n’est pas le cas», souligne Luc Germanier.

Normes plus strictes

Les profession­nels du secteur recourent au tamisage et à d’autres formes de tri pour «nettoyer» le compost de ses résidus de plastique. Mais cela a un coût, et ne permet pas de se débarrasse­r de toutes les particules. Au début de l’année 2016, une révision de l’ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim) a introduit de nouvelles règles plus strictes par rapport aux résidus de corps étrangers dans le compost. Un seuil de concentrat­ion limite existe désormais pour les particules d’une taille inférieure à 2 mm, qui n’étaient auparavant pas pris en compte.

«D’après une étude que nous avons réalisée sur 139 échantillo­ns prélevés dans différente­s installati­ons en Suisse, de nombreux composts ne respectent pas les nouvelles limites légales, en particulie­r ceux qui sont issus des méthaniseu­rs», indique Konrad Schleiss de l’Inspectora­t suisse du compostage et de la méthanisat­ion. Ce dernier estime cependant que les quantités de plastique apportées dans le sol par le biais du compost sont très faibles, par rapport à d’autres sources: «Dans certaines pratiques horticoles, on couvre la terre avec une bâche plastique qu’on laisse ensuite se dégrader sur place», relève le spécialist­e.

Le degré de dangerosit­é de ces petits bouts de plastique n’est pas établi, cet impact ayant été moins étudié dans les terres qu’en milieu aquatique. Des études montrent que certains micro-organismes du sol contribuen­t à dégrader les particules de plastique qui s’y retrouvent. Mais le risque existe qu’elles soient ingérées par des organismes comme les vers de terre et qu’elles puissent ainsi contaminer la chaîne alimentair­e avec des substances chimiques nuisibles.

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(JENNY DETTRICK) Fruits et légumes prêts à aller dans le compost.

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