Le Temps

L’info payante se mérite

- SERVAN PECA @servanpeca

De la musique illimitée sur Spotify? 13 francs par mois. Des films, des séries et des documentai­res sur Netflix? Entre 12 et 20 francs. L’accès à des milliers d’articles et de vidéos du New York Times, du

Monde ou du Temps? Entre 10 et 30 francs. Trois offres différente­s, une même idée. Pourtant, la presse ne connaît pas le même traitement que l’univers de la musique et de la vidéo. Depuis l’arrivée d’internet, les consommate­urs se sont habitués à la gratuité totale de l’informatio­n. Pourquoi la payer puisqu’elle est disponible partout, tout le temps?

Voilà environ vingt ans que les médias doivent vivre avec cette réalité. Pour survivre, ils ont fait le pari de mettre tout leur contenu à dispositio­n pour faire de l’audience et la commercial­iser auprès de leurs annonceurs. Mais cette stratégie n’a pas fonctionné.

Car ce qui n’était pas prévu, c’est que les annonceurs ont redirigé tout ou partie de leur budget vers Google, YouTube ou Facebook, moins chers, plus précis et plus efficaces pour atteindre leur cible.

Voyant leurs deux piliers historique­s – la publicité et les ventes de journaux – s’effriter simultaném­ent, les éditeurs ont souffert. Des métiers, des emplois, des compétence­s et des titres entiers ont disparu.

Les médias en sont en partie responsabl­es: tâtonnemen­ts face à l’arrivée du numérique, journaux gratuits, chasse aux clics, séparation des sites de petites annonces… A plusieurs reprises, le secteur s’est tiré une balle dans le pied. Néanmoins, les journaux ne lâchent pas prise. Ils font le dos rond en attendant de trouver un nouveau modèle d’affaires.

Aujourd’hui, la lumière est au bout du tunnel. Une tendance s’installe: les lecteurs sont de plus en plus nombreux à payer quelques francs par mois pour avoir accès à de l’informatio­n de qualité. Le «contenu premium», comme l’appellent les commerciau­x de la presse, a de nouveau une valeur. Non seulement pour ceux qui la produisent, mais aussi pour ceux qui la consomment.

Restons réalistes. Les annonceurs demeurent le pilier central de la plupart des médias. Les revenus générés par les abonnement­s numériques sont encore minoritair­es. Mais il y a du potentiel. Différents sondages montrent non seulement que les jeunes – les 16 à 35 ans – sont prêts à s’abonner, mais aussi que leur proportion augmente chaque année.

C’est, d’abord, la meilleure nouvelle qui soit. Mais c’est aussi le principal axe de la stratégie qui est en train d’être mise en place par les éditeurs: proposer des offres avec des prix adaptés à la demande. Faire en sorte que ces jeunes et nouveaux abonnés paient pour ce qu’ils consomment. Et surtout, qu’ils restent fidèles au titre au-delà des promotions et des offres spéciales.

Il serait suicidaire d’alimenter une sous-enchère tarifaire pour engranger des abonnés. Au-delà des prix, il y a un impératif: pour les convaincre de rester, il faut proposer des infos originales, de qualité et qui permettent de se forger une opinion sur l’état du monde ou de son quartier. Si cet objectif est atteint, cela vaut bien quelques francs par mois.

Un impératif: proposer des infos originales et de qualité

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