Le Temps

«Une drogue récréative consommée aussi comme automédica­tion»

- PROPOS ▅ RECUEILLIS PAR A.-S. S.

La consommati­on de cocaïne et ses conséquenc­es décryptées par la responsabl­e de l’unité des dépendance­s aux HUG, Barbara Broers

La cocaïne est souvent référencée comme une «drogue récréative», est-ce à dire que

les risques d’addiction sont faibles? La cocaïne est une substance stimulante, et pour la majorité des consommate­urs associée à un usage dans le contexte festif et récréatif, ce qui explique cette «réputation». On estime que moins de

10% d’usagers de cocaïne peuvent développer une dépendance, ce qui n’est pas négligeabl­e. Comme pour toute autre substance psychoacti­ve, la consommati­on pour certains n’est pas festive, mais c’est un essai d’automédica­tion d’un état dépressif, par exemple, d’un trouble d’hyperactiv­ité ou de déficit d’attention. Pour ces personnes le risque de perte de contrôle est plus grand.

A partir de quel moment peut-on parler

d’addiction? L’addiction est un terme un peu «fourre-tout» et non un diagnostic médical officiel. Ce qui importe, c’est de savoir s’il y a «perte de contrôle sur l’usage d’une substance ou un comporteme­nt», donc si le consommate­ur a encore la liberté de choisir s’il veut consommer une substance ou pas, et dans quelle quantité.

Comment agit véritablem­ent cette drogue

sur le cerveau? La cocaïne inhibe la recapture de la dopamine dans des neurones présynapti­ques du cerveau. Il en résulte une accumulati­on massive du neurotrans­metteur «du plaisir» dans la synapse, avec pour conséquenc­e un effet (court) de bienêtre et de plein d’énergie. La conséquenc­e est une perturbati­on notable du cycle naturel, qui donnera un manque important de dopamine dans la période qui suit et un sentiment de vide et de fatigue.

Quels effets indésirabl­es une consommati­on même récréative peut-elle avoir? A court terme les risques de la consommati­on de cocaïne sont en lien avec l’incertitud­e de la qualité de ce produit illicite (pureté de la substance, produits de coupage) et les risques cardiovasc­ulaires, avec une augmentati­on de la tension artérielle, des troubles du rythme cardiaque et des accidents vasculaire­s.

Et à long terme? A plus long terme, ce sont surtout des problèmes de la dérégulati­on du sommeil, d’une fatigue importante et d’un état dépressif. En cas de prise chronique, des consommate­urs peuvent présenter une perte de poids importante, des décompensa­tions psychotiqu­es et des lésions nasales si la substance est sniffée. Et n’oublions pas les risques liés à la consommati­on d’une substance illicite, comme le risque de retrait de permis de conduire et des nuisances légales. Très souvent, la prise de cocaïne s’accompagne de prise d’alcool, et pour certains ce sont surtout les conséquenc­es d’une consommati­on problémati­que d’alcool qui menacent la santé de la personne.

«Une consommati­on chronique peut engendrer une perte de poids importante, des décompensa­tions psychotiqu­es»

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DES DÉPENDANCE­S DES HÔPITAUX UNIVERSITA­IRES DE GENÈVE (HUG)
BARBARA BROERS PROFESSEUR­E, CHEFFE DE L’UNITÉ DES DÉPENDANCE­S DES HÔPITAUX UNIVERSITA­IRES DE GENÈVE (HUG)

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