Le Temps

La tireuse de YouTube, un cas rarissime aux motifs communs

- LOÏC PIALAT, SAN FRANCISCO

Le principal suspect de la fusillade qui a eu lieu mardi à la mi-journée sur le campus de YouTube est une femme. Un cas rarissime

Un suspect en colère contre une société se rend au siège de l’entreprise avec une arme à feu, tire sur des employés et se suicide. Dans la longue liste des fusillades qui frappent l’Amérique depuis des décennies, le schéma est presque devenu ordinaire. La fusillade de mardi sur le campus de YouTube y colle parfaiteme­nt. A une exception près: le suspect est une femme.

CNN a spéculé à tort sur un triangle amoureux

La police de San Bruno a identifié tard mardi soir Nasim Najafi Aghdam comme l’auteure des coups de feu. Mais le fait que le principal suspect était une femme a été mentionné par les autorités dès leur première conférence de presse. CNN a alors spéculé sur la possibilit­é d’un triangle amoureux à l’origine de la tragédie. Même les enquêteurs ont d’abord privilégié l’hypothèse d’un drame conjugal. Les investigat­ions n’ont toutefois décelé aucun lien entre Nasim Aghdam et ses victimes.

Pourquoi ce réflexe à la limite de la misogynie? Peut-être parce que, comme l’avait expliqué un professeur de Loyola University après l’attaque de San Bernardino (quand Tashfeen Malik et son mari ont tué 14 personnes en décembre 2015), «les fusillades de masse commises par des femmes sont tellement rares qu’elles n’ont pas été étudiées».

Des études existent pourtant et toutes vont dans le même sens. L’an dernier, sur les auteurs des 28 fusillades de masse comptabili­sées par le Secret Service américain, aucun n’était une femme. Un rapport publié dans le journal Violence et victimes s’est penché sur 292 auteurs de tueries de masse à travers le monde entre 1966 et 2012. Son résultat? Une seule femme chez les tueurs.

D’après une étude du FBI sur 160 tireurs observés entre 2000 et 2013 (un document cité par le Washington Post), près d’une fusillade sur deux a eu lieu dans un commerce ou des bureaux (comme le siège de YouTube). La plupart d’entre eux n’étaient pas des employés (comme Nasim Aghdam). Souvent, le tireur se suicide (comme à San Bruno). Mais dans 154 cas de tireur unique sur 158, l’auteur était un homme.

Une affaire marquante reste celle de Jennifer San Marco, qui a abattu six employés des services postaux en janvier 2006. Même si techniquem­ent, le cas YouTube n’est pas une tuerie de masse (il faut au moins quatre personnes tuées), le profil de Nasim Aghdam y correspond.

Sa rancune contre la nouvelle politique de YouTube quant à la rémunérati­on des vidéos «apparaît être sa motivation», a précisé Ed Barberini, le chef de la police de San Bruno. Aghdam gagnait sa vie grâce aux revenus publicitai­res générés par ses vidéos et reversés par le site. Selon son père, elle a perdu toute source de revenus quand YouTube a revu ses critères en début d’année. Sa fille a alors commencé à critiquer le site, l’accusant de censurer ses vidéos. «YouTube a filtré mes chaînes pour les empêcher d’être vues!» écrit-elle sur les réseaux sociaux. Une «tactique utilisée pour censurer et supprimer ceux qui disent la vérité».

Retrouvée endormie dans sa voiture

Le 31 mars, la femme de 39 ans a quitté le domicile familial de San Diego, dans le sud de la Californie. Mardi matin, la police de Mountain View, 750 kilomètres plus au nord, l’a retrouvée en train de dormir dans sa voiture sur un parking. «J’ai vu que c’était près du siège de YouTube et elle avait un problème avec YouTube», a témoigné son frère sur NBC. Il dit avoir alerté la police.

Les autorités l’ont laissée partir. Elle s’est rendue dans la matinée dans un stand de tir. A 12h45, elle tirait sur des employés de YouTube avec une arme de calibre 9 mm. Une arme, achetée légalement, qu’elle a retournée contre elle.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland