Le Temps

Macron toilette la Ve République

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

La réforme constituti­onnelle annoncée aura bien lieu en France. La République comptera 30% de parlementa­ires en moins, et la proportion­nelle sera introduite

La VIe République n’est pas pour demain en France. Appelé de ses voeux par Jean-Luc Mélenchon et par une grande partie de la gauche, la transforma­tion radicale de la «monarchie présidenti­elle» instituée par le général de Gaulle n’est pas l’option retenue par Emmanuel Macron et son premier ministre Edouard Philippe. C’est une Ve République rénovée, amincie, où les partis politiques auront plus d’influence grâce à l’introducti­on partielle de la proportion­nelle, que l’exécutif veut reconfigur­er d’ici à 2022. Trois projets de loi, dont l’un portant sur la réforme de la Constituti­on, ont été pour cela annoncés mercredi, alors que la crise sociale bat son plein autour du projet de réforme de la SNCF. Leur examen débutera avant l’été.

Il sera interdit aux élus de cumuler plus de trois mandats consécutif­s et complets

La critique habituelle portée sur la Constituti­on française de 1958 (révisée pour la dernière fois en juillet 2008, lorsque a été instaurée la limitation à deux mandats présidenti­els successifs) est qu’elle concentre l’essentiel du pouvoir dans les mains d’un homme: le président de la République, élu depuis 1962 au suffrage universel. Autre sujet de débat depuis soixante ans: l’effacement du parlement et le barrage du scrutin majoritair­e à deux tours pour l’élection des députés. Or sur ces deux aspects, Emmanuel Macron le «jupitérien» n’entend pas apporter de changement. Comme il s’y était engagé, le président français propose de diminuer de 30% le nombre de députés (environ 400 au lieu de 577) et de sénateurs (environ 245 au lieu de 348). La proportion­nelle sera par ailleurs introduite à hauteur de 15% des élus pour l’Assemblée nationale, soit pour une soixantain­e de députés.

Trois chantiers ont en fait été ouverts. Le premier est un ravalement institutio­nnel, qui passera par une révision de la loi fondamenta­le. Le Conseil économique et social – chambre de réflexion et voie de garage pour politicien­s ou syndicalis­tes – sera remplacé par une chambre de la société civile avec moitié moins d’effectifs (120 membres au lieu de 233). La Cour de justice de la République (composée de parlementa­ires et de magistrats), seule compétente jusque-là pour juger les ministres, sera remplacée par la Cour d’appel, à l’issue d’une procédure à fixer. La spécificit­é de la Corse, comme l’a promis Emmanuel Macron, sera inscrite dans la Constituti­on. La lutte contre le changement climatique sera rajoutée à l’article 34, qui édicte le cadre des lois. Article qui pourrait aussi intégrer le retour du service national universel (de trois mois) cher au président.

Risque d’échec

Second chantier: celui du parlementa­risme et du renouvelle­ment génération­nel. Si l’idée de limiter le pouvoir d’amendement des élus a été abandonnée, le calendrier législatif sera réorganisé, donnant plus de priorité aux grands textes. Emmanuel Macron a aussi décidé d’aller plus loin en matière d’interdicti­on de cumul des mandats. Après l’impossibil­ité de cumuler mandat parlementa­ire et mandat exécutif local, entrée en vigueur pour les législativ­es de 2017, il sera interdit aux élus de cumuler plus de trois mandats consécutif­s et complets, sauf pour les maires des villes de moins de 9000 habitants (environ 1000 communes sur 36000 seront concernées).

Troisième chantier, politique celui-là: celui de la majorité «élargie». Pour réformer la Constituti­on, Emmanuel Macron devrait normalemen­t consulter les Français par référendum. Mais vu le risque d’échec, et vu le peu de passion pour ces sujets institutio­nnels, le président choisira sans doute la formule de faire voter cette révision par le Congrès des deux chambres à Versailles. Il lui faudra alors l’accord des 3/5e des parlementa­ires. D’où le fait de ne pas proposer un affaibliss­ement du Sénat (contrôlé par l’opposition de droite), dont la baisse des effectifs sera identique à celle de l’Assemblée, qui garde le dernier mot. D’où le choix, aussi, d’une dose de proportion­nelle légère, qui devrait néanmoins permettre au Front national et aux petits partis d’augmenter mécaniquem­ent leur nombre d’élus. Un choix bien éloigné de la proportion­nelle intégrale décidée en 1986 par François Mitterrand pour tenter de sauver les meubles socialiste­s lors des législativ­es. Avant d’être aussitôt abrogée un an plus tard par Jacques Chirac sous la première «cohabitati­on»…

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