Le Temps

Le déclin démographi­que de l’Europe est bel et bien amorcé

- DAVID HILER

Depuis plus de 200 ans, le développem­ent économique s’est accompagné d’une augmentati­on de la population, de l’allongemen­t de l’espérance de vie, d’une baisse de la fécondité et d’une concentrat­ion de la population dans les villes. C’est en gros ce que l’on appelle la «transition démographi­que».

En 1986, des spécialist­es ont développé le concept de «seconde transition démographi­que». Il décrit une phase où la fécondité se fixe durablemen­t sous le niveau de remplaceme­nt des génération­s et devient indépendan­te du cadre légal de la vie en couple. La seconde transition démographi­que se caractéris­e tout à la fois par l’accentuati­on du vieillisse­ment de la population et la multiplica­tion des familles monoparent­ales et des personnes vivant seules. Elle prend place dans un contexte économique caractéris­é par la stagnation du pouvoir d’achat de la majorité de la population.

Dit trivialeme­nt, nous sommes en plein dedans! Aujourd’hui, le débat se focalise sur les conséquenc­es du vieillisse­ment de la population, avec en particulie­r les incertitud­es liées au financemen­t futur des retraites et à l’explosion des coûts de la santé. Une nouvelle thématique devrait bientôt occuper le devant de la scène: le déclin démographi­que de l’Europe.

On le sait, il faut environ 2,1 naissances vivantes par femme pour maintenir constante la taille de la population en l’absence de toute migration. Cela fait belle lurette que l’Europe connaît des taux de fécondité bien inférieurs. Pour l’Union européenne, la moyenne est aujourd’hui de 1,6.

Les projection­s démographi­ques annoncent une stabilisat­ion de la population de l’UE vers 2040 et l’amorce d’un lent déclin les décennies suivantes. Si l’on prend en compte le double effet de l’allongemen­t des études et du vieillisse­ment de la population, cela se traduira par une réduction notable de la population en âge de travailler. Le processus est déjà amorcé en Bulgarie, en Grèce, en Italie, au Portugal et en Roumanie. Il devrait s’accentuer au cours des décennies. Pour l’Allemagne, il devrait débuter autour de 2030. La France, le Royaume-Uni et les pays du Nord devraient en revanche connaître une croissance démographi­que lente mais continue.

Ces projection­s dépendent évidemment largement des hypothèses retenues pour l’immigratio­n. La réponse de l’Europe à la crise migratoire déclenchée par la guerre en Syrie laisse difficilem­ent imaginer un recours massif à l’immigratio­n extra-européenne, dont une partie importante de l’opinion publique (vieillissa­nte elle aussi) ne veut pas.

Quelles peuvent être les conséquenc­es économique­s du déclin démographi­que? Certains auteurs, anglo-saxons pour la plupart, ont pris une position tranchée: une baisse de la population s’accompagne inévitable­ment de conséquenc­es économique­s désastreus­es, avec à la clé un appauvriss­ement général. D’autres adoptent une position plus nuancée. Avec l’avènement de la quatrième révolution industriel­le, disent-ils, une réduction de la population active n’est pas forcément une catastroph­e, elle pourrait même être favorable aux salariés, devenus plus rares et donc plus chers. La perspectiv­e de métropoles moins encombrées, offrant des logements à des loyers raisonnabl­es, est plutôt alléchante. Sans compter qu’une diminution de la population est l’un des facteurs permettant de préserver l’environnem­ent et la biodiversi­té.

Qui a raison, qui a tort? Impossible de trancher, évidemment. Un élément en tout cas devrait être pris en compte. A l’exception du cas particulie­r de la Chine (politique de l’enfant unique), la baisse du taux de fécondité est le résultat de choix personnels, faits en toute liberté, dans tous les pays développés. Elle constitue une adaptation des individus au monde tel que nous l’avons créé.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland