Le Temps

Un petit air de Mai 68 en France

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Après les cheminots, les éboueurs ou encore le personnel aérien, la contestati­on sociale s’étend aux université­s, où les étudiants grévistes protestent contre la réforme de l’accès aux études supérieure­s

Amphithéât­res occupés, cours suspendus, manifestat­ions: depuis plusieurs jours, le milieu universita­ire français se mobilise contre la réforme de l’accès aux études supérieure­s dite Parcoursup. Une dizaine d’université­s sur les quelque 70 que compte la France sont touchées, dont celles de Nantes, Toulouse, Grenoble, Montpellie­r, Tours, mais aussi la Faculté des lettres de la Sorbonne et Paris Tolbiac. A un mois des partiels, les étudiants grévistes revendique­nt la note d’au moins 10 sur 20 aux examens pour compenser les cours manqués. En toile de fond, Mai 68 et sa convergenc­e des luttes dont rêve Philippe Martinez, le patron de la CGT.

Bête noire des grévistes: la loi «Orientatio­n et réussite des étudiants», accusée d’introduire une sélection déguisée et des prérequis variables, et de renforcer ainsi les inégalités. Frédérique Vidal, ministre de l’Education porteuse de la réforme, dénonce pour sa part une campagne de désinforma­tion. «La compensati­on des notes et la possibilit­é de redoubler» demeure, a-t-elle affirmé sur Twitter, tout en précisant que les examens auront lieu comme prévu.

Majoritair­ement pacifique, la mobilisati­on estudianti­ne a aussi connu des débordemen­ts. A Nantes et à Grenoble, les locaux abritant les présidence­s d’université ont été endommagés mardi. Portes et vitres cassées, faux plafonds effondrés et murs tagués: de nombreux dégâts matériels sont constatés, auxquels s’ajoutent des échauffour­ées entre des étudiants et des hommes cagoulés à Montpellie­r le 22 mars. Une «violence inacceptab­le» pour la ministre Frédérique Vidal.

Sur Twitter, le soutien au mouvement fluctue. «L’Etat n’y va pas? Les étudiants y vont! Maintenant il faut faire de même dans toutes les université­s bloquées!» s’exclame @C_ TripletFN. Outre les étudiants, les professeur­s aussi se mobilisent, eux qui, selon la réforme, devront examiner les voeux d’orientatio­n des étudiants: «#Parcoursup: Si c’était seulement inutile et chronophag­e… Mais ça nous casse. Ça nous éloigne de nos missions et ça nous dégoûte. Et on n’a vraiment pas besoin de ça», se désole @JulienGoss­a, enseignant à l’Université de Strasbourg.

Alors que la contestati­on grandit, la perspectiv­e d’un printemps agité se dessine. «Les intellectu­els reprennent la place qui est la leur. Ça commence à sentir bon Mai 68 tout ça! #Lordon #Friot», lance @MuccioKm, en référence au philosophe Frédéric Lordon, venu soutenir le mouvement estudianti­n à l’Université Paris Tolbiac. Il y a presque exactement cinquante ans, le malaise étudiant né à Nanterre se généralisa­it à la France entière et gagnait la rue pour aboutir à la plus grosse crise sociale de la Ve République.

Mais, comme pour la grève de la SNCF, certains internaute­s condamnent une prise en otage. «Tout citoyen français possède le droit de manifester; mais pas le droit de bloquer, de dégrader et d’interdire l’apprentiss­age de chacun», estime @jalabertlu­kas. «A #Lille2 nous sommes 9000 étudiants. Ils ne sont que 50 à faire le blocus. Ils se disent démocratiq­ues avec leurs «votes» en «AG étudiante». Et si on y allait, tous, et que l’on votait pour la réouvertur­e de la fac?» suggère @T_Vanhoutte.

Pour d’autres, c’est l’instrument­alisation politique qui écoeure. «Etudiants de France, ne laissez pas des groupuscul­es d’extrême gauche aux ordres d’un politicien profession­nel qui était déjà ex-ministre que vous n’étiez même pas nés, vous voler votre diplôme et mettre à néant tous vos efforts et votre argent, pour assouvir son aigreur! #RendsLaFac» renchérit @Hlodowig_, visiblemen­t très remonté contre Jean-Luc Mélenchon.

Alors que les étudiants doivent encore affronter l’épreuve de la rue, une «manifestat­ion nationale» est prévue à Montpellie­r, le 14 avril.

A Lille ce jeudi, une infime minorité des étudiants de Sciences Po manifestai­ent contre une plus grande sélectivit­é à l’université.

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(PHILIPPE HUGUEN/AFP)

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