Le Temps

«Les miz», en images et en chansons

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Cosette, Jean Valjean, Javert, Thénardier, Fantine, Gavroche… Si tout le monde n’a pas lu Les misérables, tout le monde ou presque connaît, ne serait-ce que de nom, ses personnage­s. Et beaucoup sont ceux qui s’en font même une représenta­tion mentale. Car Les misérables est instantané­ment devenu bien plus qu’un roman, a quitté le champ de la littératur­e pour devenir un objet prisé des dessinateu­rs, illustrate­urs, metteurs en scène et autres réalisateu­rs.

OEuvre monumental­e et foisonnant­e, l’ouvrage de Victor Hugo a, dès sa publicatio­n en 1862, été mis en images par Gustave Brion, qui s’en est inspiré pour une série de 25 dessins, comme le raconte le professeur Dominique Moncond’huy dans un article intitulé «Les Misérables, la scène et l’image». Hugo lui-même salua le travail de Brion, qui bénéficia alors d’une large diffusion grâce à l’avènement d’un nouveau médium, la photograph­ie. Ces premières illustrati­ons ont en quelque sorte fixé dans l’imaginaire collectif les personnage­s centraux des Misérables. Quelques années plus tard, entre 1864 et 1865, Brion réalisera 200 dessins qui, une fois gravés, seront intégrés à une réédition bon marché du roman.

Cosette en plâtre ou animée

En parallèle, l’histoire et les personnage­s des Misérables seront caricaturé­s et parodiés, asseyant un peu plus le succès du livre. A l’opposé, des peintres s’empareront eux aussi de la geste hugolienne, à l’image de Gabriel Guay, exposant en 1882 un portrait de Cosette dans un salon d’artistes. Le sculpteur François Pompon réalisera peu après une sculpture en plâtre de la fillette, aujourd’hui propriété du Musée d’Orsay. Les adaptation­s et hommages dessinés ne cesseront pas, d’une première BD datant de la fin des années 1940 à celle publiée par Glénat en 2010 dans une collection dédiée aux «incontourn­ables de la littératur­e». Plusieurs versions animées verront également le jour, notamment au Japon, dont on connaît l’intérêt pour la culture européenne – les séries animées Heidi, Belle et Sébastien, Rémi sans famille, etc.

Mais c’est évidemment le cinéma qui réinterpré­tera – et trahira – le plus souvent Les misérables. En 1897, deux ans après avoir inventé le cinématogr­aphe, les frères Lumière filment un acteur incarnant différents personnage­s. Les adaptation­s, plusieurs dizaines à ce jour, ne cesseront pas. Dominique Moncond’huy en décortique plusieurs dans son texte figurant dans la nouvelle édition de la Pléiade du roman. Il montre comment, d’un pays à l’autre, ces films emmènent le roman dans des directions diverses, entre cinéma académique, film de cape et d’épée, western, polar et autres appropriat­ions personnell­es, comme celle de Claude Lelouch en 1995. Le professeur de littératur­e estime que les adaptation­s les plus réussies sont celles de Richard Boleslawsk­i du côté des longs-métrages anglo-saxons et de Raymond Bernard pour la France. Elles ont toutes deux été réalisées au milieu des années 1930. A la suite d’Harry Baur, plusieurs grands acteurs français se glisseront dans la peu de Jean Valjean, comme si ce personnage était «un passage obligé»: Jean Gabin, Lino Ventura, JeanPaul Belmondo, Gérard Depardieu.

Dans son adaptation des «Misérables», en 1995, le réalisateu­r Claude Lelouch mêle les intrigues et les époques, transposan­t une partie du récit en pleine période nazie. Plusieurs grands acteurs se glisseront dans la peau de Jean Valjean: Baur, Gabin, Ventura, Belmondo, Depardieu

Un livre enchanté

Si des versions théâtrales seront proposées dès 1863, il faudra attendre 1980 pour qu’un véritable phénomène culturel fasse découvrir Hugo à plusieurs génération­s successive­s: Les misérables en comédie musicale. Sur une musique de Claude-Michel Schönberg et des textes d’Alain Boublil, le spectacle est créé au Palais des sports de Paris dans une mise en scène de Robert Hossein, qui dans la foulée adaptera à son tour le livre au cinéma. En 1985, dans une version anglaise traduite par Herbert Kretzmer, le musical est programmé à Londres, avec sur son affiche une Cosette inspirée des dessins de Brion. Il l’est encore, record d’exploitati­on à la clé. Les miz, comme disent les anglophone­s, sera aussi joué à Broadway. La version filmée qu’en tira Tom Hooper il y a quelques années a relancé les ventes du roman, tout en assommant plus d’un spectateur, Dominique Moncond’huy en tête, qui regrette «une approche très hollywoodi­enne de la rédemption combinée à une lecture historique simplifica­trice». ▅

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(LES FILMS 13)

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