Le Temps

Mark Zuckerberg, l’heure du grand test

Sous pression, le patron de Facebook a anticipé ses auditions de cette semaine en annonçant des changement­s et admet une «erreur personnell­e». Le Congrès américain doit légiférer pour mieux réglemente­r le secteur

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Pour Mark Zuckerberg, c'est une grande première. Empêtré dans le scandale Cambridge Analytica et le siphonnage des données de 87 millions d'utilisateu­rs de sa plateforme à des fins politiques, le patron de Facebook ne peut plus reculer: il doit s'expliquer mardi et mercredi devant le Congrès américain. En annonçant ces derniers jours des changement­s, il a cherché à anticiper les auditions. Et a été jusqu'à se dire en faveur d'une meilleure régulation du secteur. Mais le dégât d'image est bien là.

Une «tournée des excuses»

Mark Zuckerberg est entouré d'une armée de communican­ts qui le coache pour que le grand oral se déroule au mieux. Si le patron de Facebook risque de passer des moments désagréabl­es, personne n'attend vraiment grand-chose de ces auditions, qui seront néanmoins très suivies. «Facebook et Mark Zuckerberg ont fait fuiter la vérité avant les auditions. C'est profondéme­nt préoccupan­t de constater que Zuckerberg a été contraint d'agir de la bonne manière.

Cela témoigne du besoin de régulation supplément­aire. Et soulève aussi des questions sur sa capacité à servir l'entreprise en tant que PDG», soulève Jennifer Grygiel, spécialist­e des réseaux sociaux à l'Université de Syracuse (New York). Le Congrès démontre au moins qu'il est «prêt à réglemente­r les plateforme­s de médias sociaux, qui ont bénéficié jusqu'ici d'une large immunité», ajoute-t-elle. Selon l'experte, Mark Zuckerberg continuera, lui, sa «tournée des excuses», «celle qu'il mène depuis qu'il a fondé sa société».

C'est bien à un acte de contrition qu'il compte s'adonner devant le Congrès, selon le texte de son interventi­on savamment divulgué lundi. «Nous n'avons pas fait assez pour empêcher ces outils d'être utilisés de façon malintenti­onnée (...). Nous n'avons pas pris une mesure assez large de nos responsabi­lités et c'était une grosse erreur. C'était mon erreur et je suis désolé», a-t-il prévu de dire. Mark Zuckerberg est dans le collimateu­r de commission­s depuis des mois, mais c'est la première fois qu'il doit se présenter lui-même, face au tollé provoqué par les scandales successifs. Avant Cambridge Analytica, Facebook a notamment été épinglé en raison de faux profils gérés par les Russes, en pleine campagne présidenti­elle américaine.

Ces auditions tombent dans un contexte particulie­r: les élections de mi-mandat de novembre relancent la crainte de manipulati­ons politiques. Elles se déroulent aussi alors que les géants du net, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), font face à des pressions grandissan­tes de demandes de régulation. Ces dernières semaines, leurs actions ont chuté en bourse. Lundi, un nouveau scandale a éclaté: YouTube et Google sont accusés par des organisati­ons américaine­s de récolter des données d'enfants pour cibler des publicités.

«L'autorégula­tion ne fonctionne­ra pas»

De fait, c'est le modèle d'affaires d'internet, et celui de Facebook en particulie­r, qui est mis à mal. Facebook a perdu environ 80 milliards de dollars de valeur boursière depuis mi-mars. Les démocrates sont les premiers à exiger de meilleures lois sur la protection de la vie privée. «L'autorégula­tion ne fonctionne­ra pas. Le Congrès doit agir pour l'intérêt général, pour protéger consommate­urs et citoyens», tweete Ro Khanna, élu démocrate de Californie à la Chambre des représenta­nts.

Dimanche, le sénateur républicai­n John Neely Kennedy est entré dans la danse. Sur CBS, il a déclaré: «Je ne veux pas soumettre Facebook à une régulation qui le mettrait à moitié à terre. Mais nous avons un problème. Notre utopie numérique promise ressemble à un champ de mines. Ma plus grande inquiétude est que les problèmes de confidenti­alité et de propagande soient trop gros pour que Facebook puisse les réparer.»

Mark Zuckerberg ne peut pas être licencié: il est l'un des principaux actionnair­es de Facebook. Mais le magazine spécialisé Wired fait partie de ceux qui demandent sa démission. «Pour permettre à Facebook de faire sa grande mise à jour.»

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