Le Temps

Gaz de guerre et antidotes

Comment lutter contre les effets dévastateu­rs des gaz de combat neurotoxiq­ues, parmi les plus mortifères? Les recherches avancent pour développer des antidotes

- FABIEN GOUBET t @fabiengoub­et

Les agents neurotoxiq­ues tels que le sarin utilisé en Syrie font partie de la famille des composés organophos­phorés, au même titre que le glyphosate du désherbant Roundup. Une fois dans l’organisme, ces petites molécules constituée­s d’à peine 20 atomes arrivent dans le système nerveux et bloquent l’action de l’acétylchol­inestérase. Cette dernière est une enzyme chargée de détruire l’acétylchol­ine, un neuromédia­teur présent dans les synapses, ces petits espaces de jonction entre deux neurones, ou un neurone et un muscle.

En situation normale, les neuromédia­teurs comme l’acétylchol­ine doivent être détruits dès qu’ils ont agi. Or en bloquant cette destructio­n, les organophos­phorés conduisent à une «surexpress­ion» du neuromédia­teur dans la synapse, ce qui se traduit par des spasmes, convulsion­s, arrêts respiratoi­res, etc.

L’atropine, le plus efficace

«Aujourd’hui, l’atropine est l’antidote le plus efficace contre certains gaz neurotoxiq­ues», éclaire Marc Augsburger, responsabl­e de l’unité de toxicologi­e au Centre universita­ire romand de médecine légale. Cet alcaloïde bloque les récepteurs de l’acétylchol­ine, de sorte que malgré l’abondance de ce neuromédia­teur dans les synapses, son effet est contrecarr­é. «Pour être efficace, il faut cependant l’injecter en grandes quantités et dans l’heure suivant l’intoxicati­on, prévient le toxicologu­e. Et son effet est uniquement curatif dans ce contexte.» D’autres molécules sont parfois administré­es, «par exemple des benzodiazé­pines, qui réduisent les convulsion­s et ont un effet anxiolytiq­ue». Ces antidotes n’ont toutefois d’utilité qu’en cas d’identifica­tion de l’agent utilisé. Aujourd’hui des scientifiq­ues continuent de chercher d’autres antidotes, en étudiant des molécules telles que la pralidoxim­e, qui «décroche» le poison de l’enzyme.

Les cristaux de l’espace

Plus inattendue, une expérience menée en 2017 a consisté à faire pousser des cristaux d’acétylchol­inestérase pure… dans la Station spatiale internatio­nale. Ainsi cultivés en microgravi­té, les cristaux obtenus étaient plus purs et plus volumineux que sur Terre.

Puis ils ont été renvoyés au Laboratoir­e national d’Oak Ridge, raconte Motherboar­d, où leur réaction en présence de divers organophos­phorés a été examinée, dans l’espoir de découvrir de futurs antidotes plus efficaces. Les recherches sont en cours.

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