Gaz de guerre et antidotes
Comment lutter contre les effets dévastateurs des gaz de combat neurotoxiques, parmi les plus mortifères? Les recherches avancent pour développer des antidotes
Les agents neurotoxiques tels que le sarin utilisé en Syrie font partie de la famille des composés organophosphorés, au même titre que le glyphosate du désherbant Roundup. Une fois dans l’organisme, ces petites molécules constituées d’à peine 20 atomes arrivent dans le système nerveux et bloquent l’action de l’acétylcholinestérase. Cette dernière est une enzyme chargée de détruire l’acétylcholine, un neuromédiateur présent dans les synapses, ces petits espaces de jonction entre deux neurones, ou un neurone et un muscle.
En situation normale, les neuromédiateurs comme l’acétylcholine doivent être détruits dès qu’ils ont agi. Or en bloquant cette destruction, les organophosphorés conduisent à une «surexpression» du neuromédiateur dans la synapse, ce qui se traduit par des spasmes, convulsions, arrêts respiratoires, etc.
L’atropine, le plus efficace
«Aujourd’hui, l’atropine est l’antidote le plus efficace contre certains gaz neurotoxiques», éclaire Marc Augsburger, responsable de l’unité de toxicologie au Centre universitaire romand de médecine légale. Cet alcaloïde bloque les récepteurs de l’acétylcholine, de sorte que malgré l’abondance de ce neuromédiateur dans les synapses, son effet est contrecarré. «Pour être efficace, il faut cependant l’injecter en grandes quantités et dans l’heure suivant l’intoxication, prévient le toxicologue. Et son effet est uniquement curatif dans ce contexte.» D’autres molécules sont parfois administrées, «par exemple des benzodiazépines, qui réduisent les convulsions et ont un effet anxiolytique». Ces antidotes n’ont toutefois d’utilité qu’en cas d’identification de l’agent utilisé. Aujourd’hui des scientifiques continuent de chercher d’autres antidotes, en étudiant des molécules telles que la pralidoxime, qui «décroche» le poison de l’enzyme.
Les cristaux de l’espace
Plus inattendue, une expérience menée en 2017 a consisté à faire pousser des cristaux d’acétylcholinestérase pure… dans la Station spatiale internationale. Ainsi cultivés en microgravité, les cristaux obtenus étaient plus purs et plus volumineux que sur Terre.
Puis ils ont été renvoyés au Laboratoire national d’Oak Ridge, raconte Motherboard, où leur réaction en présence de divers organophosphorés a été examinée, dans l’espoir de découvrir de futurs antidotes plus efficaces. Les recherches sont en cours.
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