Le Temps

Entrée en Suisse refusée aux quatre jeunes artistes irakiens

- ARIEL HERBEZ

Invités au festival de bande dessinée Fumetto, à Lucerne, quatre Irakiens, trois hommes et une femme, se sont vu refuser un visa pour un bref séjour en Suisse. Un recours a été déposé mais il reste sans réponse à trois jours de l’ouverture de la manifestat­ion, ce samedi

Quatre jeunes dessinateu­rs Irakiens, trois hommes et une femme, se sont vu refuser un visa pour un bref séjour en Suisse, alors qu’ils étaient invités au festival de bande dessinée Fumetto. Ils devaient s’exprimer à Lucerne sur l’importance de créer, dessiner, éditer dans des pays soumis aux crises, à la violence, au désespoir, dans des contextes de guerre, de déplacemen­ts de population, de violation des droits de l’homme. Tous les quatre vivent à Bagdad et sont membres d’un collectif artistique et d’une revue, Mesaha. Les murs parleront pour eux, à travers leurs oeuvres présentées dans deux exposition­s sur les bords de la Reuss, dont certaines spécialeme­nt réalisées pour le festival.

Les responsabl­es de Fumetto sont amers, et catastroph­és pour les artistes. Un recours a été déposé, appuyé par Pro Helvetia et l’Office fédéral de la culture. Mais il est resté sans réponse et le festival ouvrant samedi, aucun espoir n’est envisageab­le. Les billets d’avion ont été annulés hier. Contactés, les porte-parole des Affaires étrangères, de Justice et police et du Secrétaria­t d’Etat aux migrations ne sont pas atteignabl­es, ou refusent de s’exprimer sur un cas particulie­r. «Nous sommes très tristes, et fâchés, réagit Jana Jakoubek, directrice artistique du festival. Je ne comprends pas comment on peut couper cette possibilit­é pour quatre jeunes conscients de l’importance de leur activité sur place et qui n’ont aucune intention de quitter leur pays.»

Doutes sur «la volonté de quitter la Suisse à la fin du séjour»

Travaillan­t pour la DDC, la Direction du développem­ent et de la coopératio­n, à l’ambassade suisse de Beyrouth, Lucas Beck s’est engagé à titre personnel pour que ce projet culturel avec les artistes irakiens aboutisse et a multiplié les contacts. Selon lui, le refus des visas a été motivé par le fait qu’il n’a pas été possible d’établir une volonté de quitter le territoire suisse à la fin du séjour. «Je n’ai pas été surpris, commente-t-il, vu leur profil, jeunes, célibatair­es, artistes… Mais à la DDC, on n’a jamais vu le cas qu’un artiste ne retourne pas dans son pays dans des cas comparable­s. En outre, la Suisse a signé le protocole de l’Unesco qui accorde ce genre de facilités pour des artistes, et cela est invoqué dans le recours.»

Les dessinateu­rs Hussein Adil, Mohammed F. Aouda, Ali Jassem, et la dessinatri­ce Mays Yasser devaient notamment participer à l’exposition Shelter, opportuném­ent située dans l’abri géant de protection civile du Sonneberg, avec d’autres artistes de nombreux pays dont l’Argentine, la Syrie et l’Egypte. On y trouve aussi Patrick Chappatte, le collaborat­eur du Temps, et le Québécois Guy Delisle, avec S’enfuir, son dernier livre sur le récit d’un otage dans le Caucase.

«Nous sommes très tristes, et fâchés» JANA JAKOUBEK, DIRECTRICE ARTISTIQUE DU FESTIVAL FUMETTO

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