Les oubliés de la préférence indigène
Le 1er juillet doit entrer en vigueur le dispositif national de la préférence indigène, qui vise à améliorer la position sur le marché du travail des demandeurs d’emploi résidant en Suisse. Dans les secteurs où le chômage atteint 8%, les places vacantes devront obligatoirement être annoncées aux Offices régionaux de placement, dont les chômeurs inscrits auront ainsi une longueur d’avance.
La première vertu de cette mesure est bien sûr de garantir une application eurocompatible de l’initiative «Contre l’immigration de masse» votée en 2014 par le peuple suisse. Mais voici, à l’heure où le Seco, les partenaires sociaux et la classe politique s’apprêtent à baptiser leur bébé, que des oubliés de la préférence indigène se font entendre.
Des Suisses habitant en France voisine – ce qui est le cas de 20000 personnes sur Genève – se plaignent à leur tour d’être discriminés à l’embauche. Selon leurs témoignages, ils sont confrontés de plus en plus souvent, dans les offres d’emploi, à l’exigence d’un domicile suisse. Du fait qu’un nombre croissant d’entreprises privées, suivant le secteur public, semblent anticiper les mesures prévues à l’échelle du pays.
Cette situation concerne essentiellement, sinon exclusivement, le canton de Genève. Son étendue reste aussi à établir. Elle n’en ajoute pas moins une nouvelle complexité dans la mise en oeuvre de cette préférence indigène, qui, même si on la qualifie de light, ressemblait déjà à un casse-tête pour les instances chargées de l’appliquer.
Cela montre en tout cas que, dans un marché de l’emploi aussi ouvert que celui dont profitent aujourd’hui les employeurs suisses, ceux de la région lémanique tout particulièrement, il est difficile de régler un problème par un volontarisme réglementaire sans en créer un autre.
Une campagne d’information sur la préférence indigène doit commencer très prochainement sous l’égide du Seco. Elle aura du pain sur la planche pour convaincre de la faisabilité du dispositif, de son efficacité et de sa capacité à ne pas créer de nouveaux exclus. Ce projet, qui doit concilier deux éléments aussi peu conciliables que la libre circulation et l’initiative votée en 2014, n’en est pas moins indispensable si l’on veut éviter que la prochaine initiative de l’UDC, dénonçant l’accord bilatéral Suisse-UE, ne produise à l’horizon 2020 un nouveau séisme.
Dans ce contexte, la préférence indigène a un mérite accessoire: elle permet aux employeurs de proclamer, un peu tard sans doute, qu’ils assument mieux leur responsabilité sociale face aux travailleurs de notre pays confrontés au chômage. A ces défenseurs de l’autorégulation de jouer, au moment où ils signent un contrat d’engagement, afin de pérenniser une libre circulation harmonieuse et bien acceptée par la population.
Il est difficile de régler un problème par un volontarisme réglementaire sans en créer un autre