Le Temps

Mieux qu’une fin de couple

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug

Jeter un oeil sur le téléphone d'un autre parce qu'il traîne sur une table et qu'il est allumé, je ne dis même pas que ça ne m'est jamais arrivé, par curiosité malsaine ou jalousie non assumée. Mais j'ai toujours détesté cela. Je m'en suis sentie honteuse, un peu salie. J'ai trouvé cela faux et stupide, parce que cela ne m'a rien apporté de concret, de vrai ou d'honnête: la vérité n'est jamais dans les smartphone­s, c'est même le contraire. Ils ne sont au mieux que l'écume des choses et des gens, une sorte de surface en friche, de représenta­tion tronquée, de prothèse électroniq­ue. Quand on est à deux, je suis de celles qui pensent que si l'on commence à jouer à cela, autant laisser tomber: fouiller le téléphone de l'autre, c'est le signe de la fin du couple.

Alors, à sept, comment vont-ils faire, les conseiller­s d'Etat vaudois? Par quelle folie, à «l'unanimité», ont-ils imaginé régler leurs problèmes en faisant vérifier les factures téléphoniq­ues de leurs portables? Tout ça parce que l'un d'eux, Pascal Broulis, entend préserver sa «sphère intime» plutôt que d'expliquer aux contribuab­les-électeurs comment il s'y prend pour payer moins d'«impôt heureux» que les autres. Pourquoi ont-ils accepté et qu'entendent-ils démontrer? Que des conseiller­s d'Etat parlent avec des journalist­es? Je me souviens d'un jour de vacances à Rome où j'ai sorti mon portable en fin de journée pour découvrir, plutôt amusée, que j'avais huit appels en absence de l'un des sept magistrats. Ce sont des choses qui arrivent.

Se rendent-ils comptent, les membres du Conseil d'Etat, à quel point ils ne brisent pas seulement leur confiance interne, agissant de la sorte, mais aussi le lien entre eux et la presse? Parce que leur numéro de «je te fouille les factures parmi» est supposé être un moyen de trouver les fuites, des noms des journalist­es, ceux qui finissent par donner des infos dans le journal que vous lisez.

Ohé, le Château: il existe un article dans la Constituti­on qui garantit la liberté de la presse. Et son alinéa 3 précise que le secret de rédaction est garanti. J'aimerais que les sept ministres relisent tout cela au moment d'inventer leur système de délation interne. Parce qu'ils sont en train de signer mieux qu'une fin de couple: une très pénible fin de règne pour Pascal Broulis et le gouverneme­nt du canton de

Vaud.

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