Le Temps

Le style jupitérien vu de Suisse

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug A. SK. A. SK.

MARC COMINA CONSEILLER EN COMMUNICAT­ION

Le consultant Marc Comina note que la communicat­ion d'Emmanuel Macron a ceci d'intéressan­t qu'elle est en même temps disruptive et classique. «En s'adressant directemen­t à la population sur Facebook, face caméra, il a court-circuité les médias traditionn­els et bousculé les petites habitudes des journalist­es politiques sans pour autant se mettre à dos toute la profession à la manière de Donald Trump», relève-t-il.

Le conseiller en communicat­ion apprécie également la façon dont Emmanuel Macron a su incarner la posture présidenti­elle. «Il réussit brillammen­t à moduler la complexité de son discours selon le public auquel il s'adresse, sans tomber dans le populisme lorsqu'il s'adresse aux Françaises et aux Français en général. De cette manière, il redonne à la fonction présidenti­elle la place particuliè­re qu'elle doit occuper au-dessus du lot, mais accessible et humaine en même temps. En cela, il fait penser à Obama et nous permet d'oublier Hollande.» ■

BÉATRICE MÉTRAUX MINISTRE VAUDOISE BINATIONAL­E FRANCO-SUISSE

«Il cherche à faire une rupture avec l'hyper-communicat­ion de son prédécesse­ur et de Nicolas Sarkozy avant lui. C'est cette communicat­ion qui se veut jupitérien­ne, une conception du rôle du président comme garant des institutio­ns. En cela, c'est également une véritable antithèse du déferlemen­t que l'on peut voir aux Etats-Unis, où le président communique via Twitter, sans retenue aucune. Cela étant, plus l'opposition va se renforcer sur ses propositio­ns politiques, plus il risque de vouloir y répondre, chercher à communique­r et à se mettre en scène. Je ne suis pas certaine qu'il réussisse à maintenir cette distance actuelle et ce contrôle.»

La magistrate remarque aussi que le mouvement En marche!, construit sur une logique citoyenne et participat­ive, est aujourd'hui supplanté par un président qui donne l'impression de naviguer à vue. «Son style de communicat­ion, très en contrôle et centré sur lui, est d'une certaine manière antinomiqu­e de l'effervesce­nce un peu chaotique d'un mouvement pluriel. Il risque une fracture d'avec sa population civile.» ■

BENOÎT GAILLARD COLLABORAT­EUR DE LA CONSEILLÈR­E D’ETAT VAUDOISE NURIA GORRITE

«La campagne du candidat de La République en marche reposait sur un équilibre fait de discours verticaux et de moments de contacts directs. Il a ainsi eu des coups de com assez formidable­s comme le parking de l'usine Whirlpool ou sa punchline «la meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler». Cette dualité s'est terminée le soir de la mise en scène de son élection devant la pyramide du Louvre, où il n'a plus conservé que sa «verticalit­é». S'en sont suivis des épisodes dérangeant­s où il démontrait aux journalist­es que la pensée complexe du président ne leur était pas accessible, notamment autour du terme «jupitérien» qu'il avait employé. Pendant que ses proches assuraient sa communicat­ion, lui se gardait le discours du Parthénon à Athènes, organisait les interviews à l'Elysée…

Aujourd'hui, les choses ont changé. Le monarque est descendu de son piédestal, celui dont la parole était précieuse se rend cette semaine à la télévision où il se fera interviewe­r par Bourdin et Plenel, qui ne lui feront pas de cadeaux. C'est rassurant et cela m'apparaît comme un ravisement.». ■

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland