Le Temps

Pavé réduit pour les prostituée­s lausannois­es

- PASQUIER CLAIRE

Dès dimanche, la zone dédiée à la prostituti­on dans le quartier de Sévelin à Lausanne sera fortement réduite. Cette nouvelle réglementa­tion répond aux transforma­tions du quartier. Les milieux de la prévention s’inquiètent

Les prostituée­s ne seront plus autorisées à arpenter la fameuse rue de Genève, à Lausanne. En cause, le quartier de Sévelin qui poursuit sa mutation, après avoir accueilli plus de 1000 nouveaux habitants depuis 2016 et s’apprêtant à en loger encore 250 d’ici à la fin de l’année. Située au coeur du quartier, la seule zone de prostituti­on réglementé­e de la ville a ainsi dû être repensée. Dès dimanche, les prostituée­s seront cantonnées à deux allées de l’avenue de Sévelin et une partie de la rue de Sébeillon. Pierre-Antoine Hildbrand, municipal chargé de la sécurité et de l’économie, justifie: «Il faut accompagne­r l’évolution du quartier, la zone de dépôt étant devenue une zone d’habitation.»

Depuis longtemps, la cohabitati­on entre les riverains et les différents acteurs du secteur pose problème. Ce redimensio­nnement du périmètre répond donc aussi aux nombreuses doléances des habitants. «Il y a eu des pétitions pour une fermeture totale du secteur ou pour le rendre piéton à cause des nuisances sonores du trafic automobile généré par la clientèle des travailleu­ses du sexe», explique l’élu. En février 2017, le législatif lausannois a accepté le rapport-préavis de l’exécutif annonçant la réduction de l’espace dédié aux travailleu­ses du sexe de 1900 à 700 mètres de trottoirs.

Faire respecter les limites

Pour le municipal, l’enjeu principal sera de faire respecter les nouvelles délimitati­ons. «Nous allons bien sûr passer par une phase d’adaptation», assure-t-il toutefois. Afin d’accompagne­r ces modificati­ons, la municipali­té va installer des bornes escamotabl­es et instaurer des mises en impasse pour créer un circuit, la nuit tombée. «Cela servira à canaliser le trafic et à éviter que les clients ne s’attardent dans les rues alentour.» Une dernière installati­on verra le jour prochainem­ent: des toilettes publiques. «Il faut que ce soit un endroit propre et sûr, mais suffisamme­nt restreint pour que cela ne devienne pas en lui-même un lieu de pratique de la prostituti­on», détaille Pierre-Antoine Hildbrand.

Silvia Pongelli, directrice de l’associatio­n Fleur de Pavé qui soutient les personnes du milieu de la prostituti­on, appréhende les conséquenc­es de cette réduction de périmètre. «Nous nous soucions de la sécurité des prostituée­s et de leurs conditions de travail.» Elle craint notamment qu’une guerre tarifaire ne s’opère et que des conflits entre les différente­s nationalit­és n’aient lieu. Ou alors qu’elles désertent le quartier et fuient en périphérie, où elles n’auront plus contact avec les milieux de la prévention. «Pour l’instant, nous informons un maximum, nous leur avons montré le nouveau plan de la zone autorisée et nous les rassurons», raconte-t-elle. Pour Pierre-Antoine Hildbrand, l’effet de concentrat­ion reste supportabl­e. Il ajoute: «La situation évolue. Davantage de travailleu­rs du sexe exercent en salon et prennent contact avec leurs clients par voie électroniq­ue.»

La municipali­té de Lausanne, Fleur de Pavé ainsi que d’autres acteurs du quartier prendront part à un groupe de suivi pour maintenir le dialogue et apporter d’éventuelle­s améliorati­ons tandis qu’un bilan global sera établi après deux ans de mise en applicatio­n. ▅

«Il faut accompagne­r l’évolution du quartier, la zone de dépôt étant devenue une zone d’habitation» PIERRE-ANTOINE HILDBRAND, MUNICIPAL CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE

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