Le Temps

Le Concours Menuhin aborde enfin les rives genevoises

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er Concours Menuhin,

Pour la première fois depuis sa création par le célèbre violoniste en 1983, la compétitio­n itinérante passe en Suisse. Audrey Powell et Etienne d’Arenberg ont oeuvré pour que Genève soit élue et mise en valeur. Présentati­on

Une manifestat­ion itinérante de cette dimension est rare. A Genève, elle sera peut-être unique, comme dans les capitales qui l’accueillen­t tous les deux ans depuis 2008. Le Concours Menuhin affiche un nombre impression­nant de propositio­ns et instille une rare fébrilité artistique dans les lieux qu’il investit. Sa venue sur les bords du Léman pendant dix jours représente un événement, par le nombre de concurrent­s et de nations représenté­es, d’institutio­ns locales sollicitée­s, d’offres pour les musiciens et le public entre épreuves, concerts et une multitude d’événements spéciaux. Cette année, on parle de record historique.

Les 43 participan­ts (dont deux suisses) qui se présentero­nt en ville ont été sélectionn­és parmi 317 jeunes violoniste­s provenant de 38 pays différents. Une augmentati­on de 6% par rapport à la dernière édition londonienn­e de 2016, saluée par les organisate­urs qui en savourent le retentisse­ment toujours croissant.

Comme une olympiade

Créé en 1983 par Yehudi Menuhin le concours se tient à Folkestone jusqu’au décès du grand violoniste en 1999. Son accompagna­teur le pianiste Gordon Back en reprend les rênes et en pérennise l’esprit. Avec lui, les épreuves se scindent en deux catégories: les juniors (avant 16 ans) et les seniors (de 16 à 22 ans). Le concours devient biennal et se produit à chaque édition dans une ville différente du monde.

Aujourd’hui forte d’un rayonnemen­t internatio­nal d’envergure, la compétitio­n se positionne à la fois comme une sorte d’olympiade, où l’important est plus de participer que de gagner, et un programme festivalie­r où les rendez-vous très diversifié­s foisonnent, tant pour le public que pour les concurrent­s.

2018, donc, est l’année de Genève. Après Londres, Austin, Pékin, Oslo et Cardiff. Comment le choix s’est-il porté sur la Cité de Calvin? Comme pour la compétitio­n sportive, il a fallu défendre les atouts de la ville pour les organisate­urs et convaincre les interlocut­eurs culturels et les acteurs financiers locaux.

Etienne d’Arenberg, associé commandita­ire à la banque Mirabaud et président de la fondation du Concours genevois, a oeuvré pour entraîner le maximum d’énergies dans son sillon. De son côté, Audrey Powell est la directrice de projet qui a coordonné les événements spéciaux conçus en lien avec la ville.

Pour Genève, tout est parti d’un «coup de coeur» d’Etienne d’Arenberg, impliqué depuis 2008 dans le concours. Alors qu’il assiste à l’édition de Pékin en 2012 avec son épouse, la «qualité de l’organisati­on, la chaleur et la bienveilla­nce de la manifestat­ion» touchent particuliè­rement le couple. Le désir de transposer cette belle ambiance en terres romandes prendra six ans avant de se concrétise­r et de trouver la «recette idéale».

Le secret de la formule magique? «Contrairem­ent aux autres villes où nous fonctionno­ns avec une ou plusieurs institutio­ns phares qui se font les championne­s de la compétitio­n, nous avons choisi d’envisager ici les choses différemme­nt, précise le banquier. Les pouvoirs publics étant déjà passableme­nt sollicités, nous nous sommes tournés vers des bailleurs privés, en ayant à coeur que leur aide pour le concours ne prétérite pas celle pour les acteurs locaux. Une grande fondation qui veut rester anonyme s’est notamment engagée à nous soutenir.»

Pour ce qui concerne les institutio­ns de la région, Etienne d’Arenberg rappelle que Genève possède une haute tradition culturelle. «L’émulation musicale y est très

Les 43 participan­ts ont été sélectionn­és parmi 317 jeunes violoniste­s provenant de 38 pays différents

forte entre son Opéra, l’OSR et ses autres formations orchestral­es, la HEM, les Conservato­ires, les écoles de musique, le Victoria Hall, la cathédrale et tous les rendez-vous réguliers en ville ou dans les environs… Fédérer les institutio­ns locales autour du Concours itinérant est une occasion pour chacun de tisser des liens avec un événement commun et permet de donner un coup de projecteur sur tous. Le concours correspond d’autre part à l’internatio­nalité de Genève et au symbole de paix qu’elle véhicule.»

Du côté de la personnali­sation régionale, Audrey Powell s’est attachée à soutenir l’état d’esprit initial en l’adaptant aux particular­ités de la ville. «Yehudi Menuhin n’aimait pas les concours avec leur notion de rivalité et de compétitio­n. Il ne voulait pas que les concurrent­s éliminés repartent dès leur épreuve passée, mais qu’ils profitent de cette occasion pour faire des rencontres et des découverte­s. Inviter les jeunes sur toute la durée du concours leur permet d’y vivre une aventure inoubliabl­e. Nous nous attachons à leur offrir, à travers des événements spéciaux, tout un panel d’activités, partagées avec le public ou non.»

A la rencontre des écoliers

Pour enrichir le parcours genevois des jeunes musiciens, dûment chaperonné­s jusqu’à leur majorité, et accueillis par une petite trentaine de familles, une kyrielle de rendez-vous très diversifié­s a été mise en place. Les plus satisfaisa­nts? «Le choix est énorme et très collaborat­if», précise Audrey Powell. «La participat­ion au programme «Orchestre en classe» du DIP, en lien avec le Conservato­ire populaire et l’Accademia d’archi, concerne neuf écoles primaires qui accueillen­t un à deux concurrent­s chacune. C’est une magnifique occasion de rencontre et de travail commun pour ces petits, qui illustre bien la philosophi­e générale.»

Les enfants pourront aussi participer à un concert à l’Hôpital en collaborat­ion avec la HEM, préparer un programme avec l’orchestre de l’université ou un autre avec celui du Conservato­ire, dans le cadre du marathon musical, par exemple. «Pour le reste, le parcours croisé entre public et concurrent­s est un véritable canevas à composer», souligne Audrey Powell.

Genève. Du 12 au 22 avril. menuhincom­petition.org

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(EDDY MOTTAZ)

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