Le Temps

Un indic sous la peau

Des puces implantées dans le corps pourraient prolonger la vie du porteur, améliorer sa capacité d’attention et sa mémoire. Ce marché prometteur attire déjà des investisse­urs

- MATTHIAS NIKLOWITZ

«J’ai 32 ans et j’ai dépensé 200 000 dollars pour diverses trouvaille­s en matière de biohacking. Cela m’a rendu plus serein, plus mince, plus heureux, en meilleure santé», confiait Serge Faguet en septembre 2017 sur son blog de hacker. L’homme n’est pas le seul à miser sur les opportunit­és de biohacking.

De plus en plus de gens tentent, par cette méthode do-it-yourself, d’exploiter les avancées scientifiq­ues à l’interface entre la biologie et la technologi­e. De ce fait, les humains devraient non seulement vivre mieux et plus longuement, mais également maîtriser leurs addictions, pouvoir éliminer leurs rides et renforcer leur système immunitair­e. En somme upgrader leur vie de manière générale, comme le formulait lors d’un congrès à Stockholm Hannes Sjoblad, un entreprene­ur et un des précurseur­s de cette mode.

Les biohackers voudraient vivre plus sainement et rester performant­s plus longtemps. Le développeu­r de logiciels Aaron Ng, 25 ans, qui a fait ses premiers pas profession­nels auprès d’Apple et de la start-up fintech Square, décrivait ainsi les avantages de ses pilules à base d’herbettes à la chaîne TV CNBC: une capacité d’attention au travail notablemen­t améliorée et une meilleure mémoire. En déclarant leurs produits comme des complément­s alimentair­es, les producteur­s contournen­t la sévère réglementa­tion américaine sur les médicament­s.

L’homme vu comme portefeuil­le de cryptomonn­aie

Le biohacking est plus simple avec les puces à implanter sous la peau. L’entreprise Dangerous Things, domiciliée à Seattle, vend par exemple pour 99 dollars une puce spéciale grâce à laquelle il est possible de procéder à des paiements, y compris en cryptomonn­aie, genre bitcoin. La puce est moulée dans du verre avant d’être implantée dans le corps (en général la main) à l’aide d’une sorte de grosse seringue. Selon le fabricant, cette puce baptisée xNT Implant est la première puce RFID aux Etats-Unis à être compatible avec la standardis­ation en cours aux caisses des magasins. La puce, qui ressemble de loin à une capsule d’antibiotiq­ue, est livrée avec un mode d’emploi pour les médecins et sa propre appli pour système d’exploitati­on Android.

L’entreprise de marketing américaine Three Square Market, spécialisé­e en modèles d’affaires innovants, incite depuis août 2017 ses employés à se faire implanter la puce du producteur suédois Biohax, afin qu’à l’avenir ils puissent procéder à des paiements encore plus simplement dans les magasins. Selon le porte-parole de la société, quand bien même la participat­ion au programme de tests est volontaire, plus de cinquante employés se seraient fait implanter une puce entre le pouce et l’index. En l’occurrence, on renonce expresséme­nt au tracking GPS du signal, mais cette procédure serait possible.

En Europe, l’entreprise belge de marketing et de technologi­e Newfusion a commencé il y a un an à suggérer à ses employés de se faire implanter la puce du fabricant Dangerous Things. En République tchèque, l’organisati­on qui se dit sans but lucratif Paralelni Polis permet l’utilisatio­n de micropuces intégrées au corps humain, grâce auxquelles il est possible de procéder à des transactio­ns en bitcoins.

Un sujet pour le «private equity»

Dangerous Things dit avoir déjà livré des dizaines de milliers de puces, y compris en Europe. Selon le futurologu­e américain Phil Lempert, en 2018 le biohacking sortira de sa niche ésotérico-expériment­ale et commencera à former de puissants écosystème­s numériques avec d’autres développem­ents technologi­ques, par exemple dans les supermarch­és. Dans une cinquantai­ne de villes d’Amérique et d’Europe, des biohackers tels que Becurious, près de San Francisco, Genspace à New York et La Paillasse à Paris ont monté des laboratoir­es où les intéressés se rencontren­t et expériment­ent.

Le biohacking n’est pas seulement un «investisse­ment en soi» un brin ésotérique, comme le soutiennen­t à tout propos pas mal de protagonis­tes. Du point de vue du placement financier convention­nel, c’est d’abord un objet d’investisse­ment dans une start-up: début 2018, le service spécialisé américain AngelList a enregistré 13 start-up au stade précoce, dont 3 seulement ne sont pas nord-américaine­s. Les start-up de biohacking nord-américaine­s ont établi leurs quartiers généraux dans des cités qui se vouent au high-tech, San Francisco, Austin et Toronto.

Selon les analystes de marché de CB Insights, en 2017 les capital-risqueurs ont confié un total de 460 millions de dollars aux 17 plus grandes start-up américaine­s qui se focalisent sur l’améliorati­on des performanc­es cérébrales. Parmi les adresses insignes figurent à ce propos Andreessen Horowitz et Khosla Ventures. Actuelleme­nt, de telles start-up devraient intéresser avant tout les investisse­urs en private equity, elles conservent pour l’instant leurs parts actionnari­ales et ne se rendent pas accessible­s au public par le biais d’IPO. Une des très rares entreprise­s listées en bourse est l’américaine LifeVantag­e, codée LFVN.

La pharma est dans le coup depuis longtemps

LifeVantag­e figure dans deux ETF US Small Cap, Wilshire MicroCap et iShares Micro-Cap: pour maîtriser les risques d’investisse­ment, les analystes conseillen­t d’acheter des véhicules élargis plutôt que des actions individuel­les.

Toujours selon les analystes, lorsqu’on est un convaincu du biohacking, il reste donc pour l’instant beaucoup moins problémati­que d’investir dans des actions biotech, pharma et même agroalimen­taires, d’autant que la grande pharma et la recherche alimentair­e font en réalité la même chose que les start-up du biohacking qui explorent les complément­s alimentair­es.

Les humains devraient non seulement vivre mieux et plus longuement, mais également maîtriser leurs addictions, pouvoir éliminer leurs rides et renforcer leur système immunitair­e

 ?? (WERTSCHRIF­TEN-AUKTIONEN.CH) ?? 22 avril 1964, Glaris: certificat d’action de la Holderbank Financière.
(WERTSCHRIF­TEN-AUKTIONEN.CH) 22 avril 1964, Glaris: certificat d’action de la Holderbank Financière.
 ?? (WERTSCHRIF­TEN-AUKTIONEN.CH) ?? 30 septembre 1955, Zurich: action de la société RAG.
(WERTSCHRIF­TEN-AUKTIONEN.CH) 30 septembre 1955, Zurich: action de la société RAG.

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