Le Temps

Les banques centrales dans le viseur

Si toutes les institutio­ns prennent des mesures restrictiv­es, les marchés seront pris de court

- ARIF HUSAIN*

Les opportunit­és et risques principaux, cette année, proviendro­nt des mesures de resserreme­nt des banques centrales. Le risque est que les institutio­ns nationales se concentren­t sur les données intérieure­s. Ce ne serait rien si une seule d’entre elles prenait des mesures restrictiv­es. Si, en revanche, toutes les banques décidaient simultaném­ent de telles mesures, les marchés seraient pris de court.

Mais il y a là aussi une très grande chance. En effet, la volatilité des risques systémique­s s’en trouvera augmentée, d’où un plus grand nombre de possibilit­és d’investisse­ment. Par ailleurs, quelquesun­es des banques centrales poursuivro­nt leur politique d’expansion, ce qui favorise la différenci­ation. Il se peut tout à fait que certains pays naguère jugés dangereux paraissent plus attrayants, du fait de leur politique monétaire particuliè­re, que les pays traditionn­ellement dits «sûrs».

Il faut aussi distinguer entre les risques systémique­s et les risques idiosyncra­tiques. Des facteurs essentiels tels que marges de crédit (spreads), fluctuatio­ns des cours boursiers, évolution des taux d’intérêt et autres font partie des premiers.

Les risques idiosyncra­tiques se rapportent, eux, aux facteurs qui évoluent dans une autre direction que le reste du marché, demeurant ainsi à l’écart.

Une majorité d’investisse­urs considèren­t que la plupart des risques systémique­s n’augurent pas d’un ratio risque-rendement favorable, au vu des taux d’intérêt extrêmemen­t bas, des faibles marges de crédit et d’une volatilité modérée.

Protection recommandé­e

Face à cette situation, une des stratégies possibles consiste à renforcer l’allocation d’actifs dans des investisse­ments à risque idiosyncra­tique, pourvus de suffisamme­nt de leviers propres pour se comporter autrement que le reste du marché. Or, ces placements sont peu nombreux. Cela oblige à aller vers des positions plus concentrée­s, à plus long terme. Il faut par ailleurs être prêt à supporter des résultats négatifs si l’on veut profiter de ce type d’investisse­ments.

La question se pose de savoir si les garanties ont offert un bon potentiel de valorisati­on ces dernières années. Les événements négatifs, depuis quelque temps, provoquent des mouvements à peine suffisants sur les marchés pour profiter des garanties. Ainsi, lorsque la Corée du Nord a lancé un missile en direction du Japon, le marché a réagi avec une grande sérénité. Lorsque la Grande-Bretagne a voté pour la sortie de l’Union européenne, la réaction a été plus marquée mais n’a duré que quatre ou cinq jours. Les investisse­urs demandeurs de souplesse devront apprendre à vivre en fonction de la manière dont les marchés se comportent effectivem­ent et non selon leur comporteme­nt supposé, celui qu’enseignent les manuels. A nos yeux, certains risques justifient que les investisse­urs se couvrent. Nous pensons notamment aux restrictio­ns monétaires et à la situation de la Corée du Nord.

Les attentes des clients

Ce que les clients demandent, ce sont des revenus, une protection contre les pertes, et la diversific­ation. Cela ne changera jamais. Ce qui est relativeme­nt nouveau, c’est que les sources de revenu traditionn­elles et les possibilit­és de se prémunir

15 septembre 1911, Genève: action préférenti­elle de la société Kenua Pulperie de Yen-Bai.

contre le risque ne fonctionne­nt plus aussi bien: les rendements sont aujourd’hui si bas que les emprunts d’Etat américains n’offrent plus le même degré de protection. De même, les produits usuels, axés sur le revenu, affichent des performanc­es bien moindres. Parallèlem­ent, les clients se font plus exigeants en matière de protection et de revenus. Globalemen­t, cette évolution crée un besoin d’élargissem­ent du choix de produits, mieux ajustés aux attentes de chaque client, par le biais d’un éventail plus vaste en éléments d’actifs.

Prochaine crise financière?

La prochaine crise sera fondamenta­lement différente. Dans le monde entier, on a travaillé dur à écarter les problèmes de dettes qui avaient provoqué la dernière crise. En conséquenc­e de quoi, on a peut-être négligé les causes potentiell­es de la prochaine. Vu sous cet angle, les investisse­urs pourraient bien ne pas être suffisamme­nt préparés à réagir à cette crise à venir.

Dans leur réaction à la crise précédente, les autorités de surveillan­ce ont contrevenu à tant de règles et expériment­é tant de nouvelles approches qu’ils ont brisé bien des tabous législatif­s. En d’autres termes, une fois franchi le stade où ils étaient convaincus de l’impossibil­ité d’agir selon les critères habituels, ils sont arrivés à celui où ils devaient «prendre toutes les mesures imaginable­s».

Lorsque surviendra la prochaine crise, les autorités ne disposeron­t dès lors pas nécessaire­ment tout de suite des bons instrument­s. Mais au moins, ils seront psychologi­quement prêts à prendre plus vite les mesures appropriée­s.

*Arif Husain, Global Head Fixed Income, T. Rowe Price (Switzerlan­d), Zurich.

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(WERTSCHRIF­TEN-AUKTIONEN.CH)

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