Le Temps

Scénarios pour des intérêts élevés

Quelles solutions les caisses de pension peuvent-elles proposer à leurs assurés?

- MARCO CINCERA ET FLAVIO MÜLLER*

Les dernières failles des marchés ont été suivies par de nombreux investisse­urs. Les experts attribuent la chute des cours à «la peur de la hausse des intérêts». Après plus de vingt-cinq ans de baisse continue, ceux-ci semblent avoir amorcé une remontée. La Réserve fédérale des Etats-Unis a ainsi augmenté ses taux par trois fois en 2017, et on s’attend à ce qu’elle en fasse de même cette année.

Quelles sont les conséquenc­es pour les caisses de pension? Dans l’hypothèse où les attentes se confirment, les institutio­ns de prévoyance auront-elles l’opportunit­é de fixer des taux de conversion supérieurs, surtout après la nette baisse observée parmi nombre d’entre elles ces derniers temps? Ou d’autres mécanismes seront-ils au contraire pris en considérat­ion?

Il importe de se souvenir que les deux grandeurs fondamenta­les qui influencen­t la hauteur du taux de conversion relèvent de données objectives: l’espérance de vie est l’une d’elles. Elle a progressé avec le temps (voir graphique de droite), de 25% environ pour les hommes et de plus de 15% pour les femmes, entre 1991 et 2016.

Les obligation­s suisses à 0%

Le second paramètre est l’intérêt à dégager, ou promesse d’intérêt à verser au moment de la retraite. Alors que, il y a vingtcinq ans, les obligation­s de la Confédérat­ion à dix ans permettaie­nt d’obtenir sans risque un intérêt de 5%, un rendement sans risque est aujourd’hui pratiqueme­nt impossible à réaliser. En effet, celui des obligation­s de la Confédérat­ion à dix ans tourne actuelleme­nt autour de zéro pour cent (voir graphique de gauche). Nous ne nous attarderon­s pas ici sur l’évolution de l’espérance de vie, partant du principe qu’elle va continuer d’augmenter comme elle l’a fait jusqu’ici.

Il est particuliè­rement important de comprendre que le taux de conversion réglementa­ire défini par le conseil de fondation influe sur la future tolérance au risque de la caisse de pension. C’est le cas notamment parce que les rentes articulées à un moment donné ne peuvent plus être réduites. Seules certaines augmentati­ons de rentes volontaire­s ont pu être abaissées temporaire­ment aux fins d’assainisse­ment.

Rentes nouvelles moins élevées

C’est pourquoi les taux de conversion réglementa­ires pratiqués à l’heure actuelle déterminen­t les rentes des nouveaux retraités jusqu’à la fin de leur vie (à savoir pour vingt à vingt-cinq ans en moyenne). Ils définissen­t par là même un intérêt implicite à obtenir sur les capitaux des rentiers. Un taux de conversion de 6% correspond ainsi, par exemple, à une promesse de quelque 3,5% par an. Or pour atteindre un rendement de cet ordre dans le présent contexte de taux bas implique déjà de placer une part significat­ive des capitaux dans des investisse­ments à risque. Par conséquent, une institutio­n de prévoyance typique devra consacrer une forte proportion du rendement obtenu pour maintenir le niveau des prestation­s servies aux rentiers actuels, ce qui se traduit par des rentes nouvelles moins élevées.

Si les taux de conversion étaient adaptés à la hausse dans la même mesure que les taux d’intérêt, le produit (supposé) des rentes supérieure­s serait déjà garanti aux nouveaux rentiers pour une bonne vingtaine d’années à venir. Mais il s’agit d’empêcher cette évolution. En période de hausse des intérêts, il vaut bien mieux aligner la promesse d’intérêt sur les rendements des obligation­s. Dès lors, on doit s’attendre à ce que les taux de conversion actuels augmentent très peu, même si les taux d’intérêt repartent à la hausse.

Assainir les caisses de pension

Une autre possibilit­é consistera­it à augmenter le cas échéant les rentes – éventuelle­ment peu après le début du versement de celles-ci. Elles pourraient alors également servir à assainir les caisses de pension. Les plus prudents renonceron­t à augmenter durablemen­t les rentes. Dans ce cas de figure, on pourra envisager de faire bénéficier les rentiers de versements ponctuels. Mais ces derniers n’auraient lieu que lorsque la situation de la caisse le permet, sans que cela donne lieu à des engagement­s à long terme. Seuls seraient prévus des versements directs en espèces.

Les points évoqués pourraient par exemple prendre la forme d’une rente variable, qui ne serait versée que lorsque certains critères seraient remplis. Il pourrait s’agir d’un rendement adéquat des placements au cours de l’année écoulée, ou d’un niveau donné du taux de couverture.

L’essentiel dans ce cas est la réflexion selon laquelle cette distributi­on doit suivre des critères objectifs. Pour s’en assurer, il y a lieu de procéder à une analyse des solidarité­s consenties. Alors seulement, les distributi­ons correspond­antes pourront être versées. Il s’agit d’éviter que la caisse prenne des engagement­s à long terme supplément­aires, lesquels deviendrai­ent une hypothèque sérieuse si la situation économique venait à se dégrader à nouveau.

*Marco Cincera, Senior Consultant Retirement & Investment, et Flavio Müller, Senior Consultant Retirement & Investment, Aon Suisse, Zurich

Des rentes faibles

Rendement obligation de la Confédérat­ion à dix ans (en fin d’année, en pour-cent).

8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 1990 95 2000 05 10 15 16 17 01/18 02/18

Combien de temps touche-t-on une rente?

Evolution de l’espérance de vie à 65 ans (en années) 25 Hommes Femmes

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