Le Temps

Nestlé, entre buffet et responsabi­lité sociale

- ADRIA BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

A l’assemblée générale du groupe, les actionnair­es se sont montrés plus combatifs à l’heure des questions que lors des votes

Nestlé a ouvert son bal du Palais de Beaulieu jeudi, avant l’heure du thé. Comme à chaque printemps, les bus spéciaux ont valsé dans les rues lausannois­es. Et les trains ont déversé, depuis la matinée, leur lot de retraités venus des quatre coins du pays pour assister à la 151e assemblée générale de ce fleuron de l’économie suisse.

Gisèle (prénom fictif) a perdu le compte des assemblées. Elle a commencé à yassister «il y a fort longtemps» avec son mari qui «n’est malheureus­ement plus de ce monde». Enseignant­e à la retraite, elle déplore la quasi-disparitio­n des stands de produits et la baisse de la participat­ion des actionnair­es (1988 sur quelque 2550 inscrits), qu’elle attribue au manque d’intérêt des jeunes et aux horaires. «On a tout le temps, nous, le jeudi après-midi. Mais les jeunes! Ils sont au travail…»

Il y en avait pourtant quelques-uns devant Beaulieu. Ceux de l’ONG Multiwatch, qui avaient prévu de dénoncer la «privatisat­ion de l’eau par Nestlé» dans le sud-est brésilien, en distribuan­t aux actionnair­es de «l’eau ensanglant­ée» (en réalité un colorant). Vincent Kaufmann leur a offert un écho à l’intérieur de la salle. Lors de la séance des questions, le directeur de la Fondation Ethos, qui représente quelque 226 caisses de pension et institutio­ns suisses, a dressé une liste de griefs. De la gestion de l’eau outre-Atlantique au boycott des produits par certains détaillant­s (dont Coop), en passant par la diminution des effectifs helvétique­s de 8% depuis 2015.

Rappelant une image utilisée par Paul Bulcke pour illustrer l’exposition de la multinatio­nale – «Plus un arbre est élevé dans la forêt, plus il prend de vent» –, Vincent Kaufmann a enfoncé le clou: «Il semblerait qu’il y ait aujourd’hui de plus en plus de vent!»

Les aînés se sont succédé sur scène, qui pour déplorer la «disparitio­n du Nestlé de mon adolescenc­e», qui pour contester le déplacemen­t du centre de recherche sur le chocolat en Grande-Bretagne, le «pays qui produit le pire chocolat du monde». Ou pour dénoncer la hausse des primes maladie (sic).

A l’égard des critiques, Paul Bulcke a exprimé la volonté de «toujours engager le dialogue» avec toutes les parties prenantes et souligné que «la création de valeur partagée» ne se réalise ni dans les salles de réunion ni dans les couloirs du parlement ou les tribunaux. Une référence à l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es qui permettrai­t de déposer plainte en Suisse pour des violations des droits humains commises à l’étranger. «Cela mettrait non seulement en danger notre façon de créer de la valeur partagée, mais en plus, décourager­ait beaucoup d’entreprise­s à adopter cette approche», a tranché Paul Bulcke.

Les actionnair­es se sont montrés plus combatifs lors des questions qu’au moment du vote. Le rapport de gestion? Approuvé à 99,49%. La réélection des membres du conseil d’administra­tion: entre 91% (Mark Schneider) et 99% (Patrick Aebischer).

Et Paul Bulcke d’inviter les actionnair­es à rejoindre le buffet. «Si tu veux une glace, il faut y aller maintenant, glisse un photograph­e. Parce qu’après, il y a mille grandsmère­s qui se ruent dessus.» Et il paraît que c’est ainsi depuis 151 ans.

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