Le Temps

«J’ai senti le feu dans mon dos et j’ai photraphié par réflexe»

- CAROLINE STEVAN @CarolineSt­evan

Le World Press Photo a dévoilé vendredi son palmarès. La liste des lauréats questionne la place du photograph­e, toujours au plus près pour saisir la violence du monde

Une torche vivante. Le jeune homme s’enfuit en courant tandis que les flammes jaillissen­t de son tee-shirt et de son masque à gaz. Cette image a été couronnée vendredi du World Press Photo 2018, premier Prix de la catégorie «Spot news». Le photograph­e vénézuélie­n Ronaldo Schemidt de l’Agence France-Presse l’a prise à Caracas au printemps 2017, alors que le pays était secoué par des émeutes. L’homme en feu, un étudiant de 28 ans, venait de faire exploser le réservoir d’une moto des forces de l’ordre. Après avoir subi une quarantain­e de greffes, Victor Salazar est toujours en soin. Ce portrait est devenu l’allégorie d’«un pays qui brûle».

Lorsqu’il assiste à une telle scène, doit-il témoigner de ce qui est en train de se dérouler sous ses yeux ou plutôt poser son appareil et venir en aide à la victime?

Ce prix renoue avec la tradition du World Press Photo de raconter l’actualité toujours au plus près. Plusieurs polémiques ont éclaté ces dernières années au motif que le concours avait sacré des images trop éloignées de l’action pure et dure. En 2014, le premier prix était revenu à une vue de migrants africains brandissan­t leurs smartphone­s à Djibouti à la recherche de réseau. En 2015 au portrait intime d’un couple homosexuel dans une Russie répressive. L’an dernier en revanche, c’est l’incroyable triomphe de Mevlüt Altintas juste après qu’il a tué l’ambassadeu­r russe Andreï Karlov dans une galerie d’art à Ankara, qui était sacrée. On y voyait le policier levant un bras victorieux, le cadavre à ses pieds.

Témoigner ou secourir?

«L’homme qui brûle» pose aussi la question du rôle du photograph­e. Lorsqu’il assiste à une telle scène, doit-il témoigner de ce qui est en train de se dérouler sous ses yeux ou plutôt poser son appareil et venir en aide à la victime? «J’ai senti le feu dans mon dos et j’ai réagi par réflexe: je me suis mis à prendre des photos sans savoir ce que je photograph­iais. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes que je me suis aperçu qu’il y avait quelqu’un qui brûlait», racontait hier Ronaldo Schemidt.

Pour cette édition 2018 du World Press Photo, le jury a examiné quelque 73000 images envoyées par 4548 photograph­es de 125 pays. Le Temps a choisi quatre images primées cette année et a demandé à deux photograph­es romands, Guillaume Perret du collectif Lundi13 et Laurent Gilliéron de l’agence Keystone, de les commenter.

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