Le Temps

Pierre Maudet, l’aigle de la sécurité confédéral­e

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich PIERRE MAUDET CONSEILLER D'ÉTAT GENEVOIS

SÉCURITÉ Le Genevois a été élu à la présidence de la Conférence intercanto­nale des directeurs de justice et police. Il succède à HansJürg Käser et à Karin Keller-Sutter

Pierre Maudet n’a pas été élu au Conseil fédéral, mais il jouera tout de même un rôle de premier plan sur la scène fédérale: il est le nouveau président de l’influente Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP). Il succède au Bernois Hans-Jürg Käser qui, à 68 ans, se retire de la vie politique après avoir siégé au gouverneme­nt bernois sous la bannière libérale-radicale pendant douze ans. «L’aigle genevois(e) succède à l’ours bernois», caricature Pierre Maudet au téléphone.

La CCDJP est, avec celles des directeurs cantonaux des finances et de l’Education, l’une des plus importante­s plateforme­s intercanto­nales du pays. Aucune décision ne se prend sans son accord en matière de migration, de politique d’asile, de poursuite pénale, de lutte contre la criminalit­é ou de police. Il n’est pas rare que son président ou sa présidente apparaisse en public au côté du chef ou de la cheffe du Départemen­t fédéral de justice et police (CDJP), en l’occurrence Simonetta Sommaruga.

Un nouveau tremplin?

Cette nouvelle charge donnera à Pierre Maudet une incontesta­ble visibilité, comme cela fut le cas pour l’actuelle présidente du Conseil des Etats, Karin Keller-Sutter, qui a dirigé les débats de ce cénacle avant Hans-Jürg Käser, entre 2010 et 2012. Les trois sont d’ailleurs issus de la même formation politique, le PLR. La présidence de la CCDJP a clairement servi de tremplin politique à Karin Keller-Sutter, qui a été élue au Conseil des Etats en 2015 et de bonnes chances d’accéder enfin au Conseil fédéral après avoir échoué contre Johann Schneider-Ammann en 2010. Jouera-t-elle le même rôle, plus tard, pour l’ambitieux Genevois, devancé par Ignazio Cassis pour la succession de Didier Burkhalter en 2017? L’avenir le dira.

Agé de 40 ans, Pierre Maudet a été élu au Conseil d’Etat genevois en 2012. Il est candidat à sa propre succession ce week-end. Il dirige le Départemen­t de la sécurité et de l’économie. Il est membre du comité de la CCDJP depuis 2013 et préside depuis 2016 la Conférence latine des chefs de départemen­ts de justice et police. Il occupe «dès à présent» le poste de chef de file de la CCDJP, indique celle-ci dans un communiqué. Cela présuppose qu’il conserve le dicastère de la Sécurité à Genève, ce qui dépendra de la nouvelle répartitio­n des portefeuil­les à laquelle les conseiller­s d’Etat élus procéderon­t.

«J’ai informé mes collègues du calendrier de la CCDJP et de la possibilit­é d’en reprendre la présidence. Ils m’ont autorisé à me porter candidat», résume Pierre Maudet. «Le départemen­t que je dirige est cohérent: c’est grâce à la réunion de la sécurité et de l’économie sous un même toit que j’ai pu lancer l’opération Papyrus de légalisati­on du statut de séjour», explique-t-il. «Le fait que je prenne cette présidence confirme la volonté de Genève, affichée depuis quelques années, d’être plus présent à Berne. Notre canton a par ailleurs le troisième corps de police le plus important du pays», enchaîne-t-il. Ce mandat est-il compatible avec la présidence du gouverneme­nt genevois, qu’il pourrait reprendre des mains de François Longchamp? Pierre Maudet botte en touche: il dit n’avoir jamais affirmé qu’il visait cette fonction. Mais il ne l’a jamais démenti non plus. «Nous verrons bien. C’est une attributio­n interne entre les membres du futur gouverneme­nt. Pour l’instant, je montre que la présidence de la CCDJP prime», déclare-t-il en annonçant qu’il allait remettre la direction de la conférence latine à un autre ministre romand de justice et police.

Gommer les disparités entre les cantons

Dans sa nouvelle fonction, il compte «poser la question de la gouvernanc­e et des structures. Face à des défis tels que la cybersécur­ité et la lutte contre le terrorisme, on ne peut plus se satisfaire d’avoir vingt-six instances juxtaposée­s. Nous devons agir davantage ensemble. Et il faut gommer les disparités, croissante­s, entre les petits et les grands cantons», suggère-t-il. Il assure que, contrairem­ent au message qu’il a véhiculé à l’appui de sa candidatur­e pour le Conseil fédéral, il ne s’agira pas de «mettre Genève en avant», même si le canton peut servir de laboratoir­e pour des dossiers tels que ceux des sans-papiers.

«Le fait que je prenne cette présidence confirme la volonté de Genève d’être plus présent à Berne»

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland