Le Temps

A contresens, le franc suisse ne sert plus de valeur refuge

- SERVAN PECA @servanpeca

DEVISE Tensions commercial­es sino-américaine­s, sanctions envers la Russie, bruits de bottes en Syrie… Le franc aurait dû servir de valeur refuge, cette semaine. Mais il a baissé

C’est une anomalie qui n’a pas échappé aux experts des marchés financiers. Le franc suisse a connu une étrange semaine. Malgré la multiplica­tion des tensions internatio­nales – bruits de botte en Syrie, sanctions américaine­s envers la Russie, escalade verbale dans la guerre commercial­e entre la Chine et les Etats-Unis –, la monnaie helvétique a baissé. Lundi, l’euro valait 1,1770 franc. Ce vendredi matin, il a atteint 1,1880.

Le franc aurait pourtant dû, comme d’habitude, servir de valeur refuge. Comme à chaque fois que les investisse­urs sont inquiets pour le sort de leurs avoirs, ils auraient dû acheter des francs pour se protéger.

Que s’est-il passé pour que le franc retombe à des niveaux qu’il n’avait pas atteints depuis 2015? Manuel Oliveri, analyste chez Crédit Agricole, a une partie de la réponse. Suite à la décision de Washington de sanctionne­r des dizaines de ressortiss­ants et d’entreprise­s russes, «les Russes ont besoin de plus de liquidités», explique-t-il à l’agence Bloomberg. Autrement dit, des rapatrieme­nts d’avoirs de Suisse vers la Russie auraient eu lieu cette semaine.

Coincée dans une guerre

Il y a une autre raison, tout aussi épidermiqu­e, à la baisse surprenant­e du franc. Les liens de certaines sociétés suisses à la Russie, notamment Sulzer, qui a dû procéder dans l’urgence à un rachat d’actions cette semaine, fait craindre que les sanctions américaine­s puissent leur nuire. Egalement cité par Bloomberg, Peter Rosenstrei­ch, de Swissquote, estime que cette nervosité est compréhens­ible. «Pour une petite économie ouverte comme la Suisse, c’est très risqué de se retrouver coincée au milieu d’une guerre commercial­e de ce type.»

Un nouveau statut?

Mais si le franc est allé à contresens cette semaine, il y a encore une troisième raison, plus fondamenta­le. Comme nous l’ont indiqué plusieurs experts ces derniers mois, la Banque nationale suisse (BNS) serait en train de gagner son pari. Avec ses intérêts négatifs et ses interventi­ons par milliards pour empêcher le franc de monter, elle aurait enfin réussi à décourager les investisse­urs de se ruer sur la monnaie suisse à chaque vague d’aversion au risque. En d’autres termes, le franc ne serait plus aussi séduisant.

D’ailleurs, hormis le yen, c’est surtout l’euro qui, cette semaine, a profité de ces multiples regains de tensions internatio­nales. Il a gagné 0,4% contre le dollar. Et, donc, 0,8% contre un franc suisse qui pourrait bien avoir changé de statut.

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