The Dude, la naissance du cool
Le 6 mars 1998 débarquait sur les écrans américains le septième long-métrage de Joel et Ethan Coen: The Big Lebowski. Les frangins en ont depuis réalisé dix autres, dont plusieurs trônent au sommet de leur filmographie: No Country for Old Men, A Serious Man,True Grit ou encore Inside Llewyn Davis. Mais voilà, pour beaucoup, les Coen resteront à jamais les créateurs de Jeff «The Dude» Lebowski, personnage tout en cheveux et en barbe, amateur de robes de chambre et de White Russian, incarnation d’une certaine coolitude faite de fainéantise, d’hédonisme, de cannabis et de bowling. Beaucoup de bowling.
Au moment de sa sortie il y a vingt ans (le 22 avril en Suisse romande), The Big Lebowski n’était que le nouveau film des frères Coen. Et il avait connu une carrière commerciale très moyenne. Comme le public, la critique était pour le moins divisée. Tandis que les Cahiers du cinéma regrettaient une «insistance permanente sur la nullité métaphorique et littérale des personnages», l’autre grande revue de la cinéphilie française, Positif, était plus enthousiaste, saluant «la traversée miraculeuse d’une intrigue aussi embrouillée que périlleuse par son antihéros désinvolte».
Je me souviens être allé voir le film le jour de sa première. Depuis ma découverte des Coen avec le sublime film noir Miller’s Crossing en 1990, je tenais la fratrie de Minneapolis en haute estime. En sortant de la salle, je m’étais dit que ce Big Lebowski était certes amusant, mais quand même un peu trop léger, proposant une intrigue à tiroirs épuisante malgré ses références malines à la mythologie hollywoodienne. Bref, j’ai vite oublié ce film… Et voilà qu’une dizaine d’années plus tard, je réalisais que le Dude, transcendé par un génial Jeff Bridges, était devenu une icône, qu’il avait inspiré le «dudéisme», que certains dialogues étaient rentrés dans le langage commun et que des rassemblements célébraient une oeuvre devenue culte.
Cette semaine, j’ai revu The Big Lebowski.
Même impression: il m’amuse et me lasse à la fois. Mais tout comme ceux qui le vénèrent, j’ai désormais ma séquence préférée. Lors d’une partie de bowling qui voit Walter (John Goodman, génial lui aussi) dégainer un flingue, on entend en musique de fond I Hate You, du groupe américain The Monks. Le récit se déroule au début des années 1990. Or, en 1990, ce titre avait été revisité par les Anglais de The Fall. C’est probablement un hasard, mais je ne peux m’empêcher de me dire que, peut-être, les Coen avaient cette reprise en tête et souhaitaient célébrer son modèle originel, eux qui proposent un cinéma fait de réappropriations et de détournements.