Le Temps

Une bataille commercial­e et géopolitiq­ue

- PAR NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

Sur ce point, il a ressemblé au grand frère cinématogr­aphique. Ces jours, le Festival de Cannes des séries s’est joué sur deux niveaux. En surface du Palais des festivals, le long des marches, des stars et leur glamour. Dans les entrailles du bâtiment et dans les annexes – un vrai labyrinthe –, les étals du bazar. C’est le MIPTV, un des principaux marchés audiovisue­ls mondiaux, qui existe depuis 1964. Ici, derrière leurs petits stands, les vendeurs-acheteurs proposent leurs séries, documentai­res ou téléréalit­és à d’autres acheteurs-vendeurs du monde entier.

Depuis quelques années, m’explique-t-on, ce monde feutré et bien rodé s’agite toujours un peu plus. La hausse de la production de fictions, en particulie­r, accroît la concurrenc­e en même temps qu’elle ouvre de nouvelles possibilit­és d’affaires. Les acteurs du web sont peu présents, mais tout devient imbriqué; une série sera achetée pour une première diffusion par des diffuseurs classiques, reprise ensuite par Netflix…

Le choc frontal entre le vieil appareil de production/ diffusion et les nouveaux opérateurs représente une fable pour technophil­es naïfs. Netflix, Amazon, Hulu et les autres sont bien plus proches des antiques chaînes et studios qu’il n’y paraît.

Un exemple: une des séries qui fait événement dans la compétitio­n de Canneserie­s comme au MIPTV est Undercover, une production belge produite par une société locale avec l’argent de la station publique, la VRT, ainsi que des appuis d’Etat. Netflix est entrée dans le tour de table, elle montrera la série de manière globale sauf en Belgique, France, Allemagne, Suisse et Autriche; pour ces pays et quelques autres, c’est Federation, la compagnie notamment vendeuse du Bureau des légendes, qui monnaiera les droits. Image de la complexité qu’atteignent les montages financiers dans ce secteur.

Dans les allées du MIPTV, diffuseurs et pays se battent à fleurets mouchetés. La BBC a son vaste espace, avec brochettes de fruits frais, et sa salle de conférence­s aux couleurs de Luther. La Russie s’est offert un forum où elle regroupe ses sociétés audiovisue­lles, pour une plus grande force de frappe. La Chine fait fort, comme toujours. Les producteur­s turcs s’offrent d’immenses affiches sur la Croisette. L’américaine CBS a monté un pavillon devant le Palais, avec terrasse donnant sur le port – pas de chance, il a plu tous les jours.

Il est aussi question de documentai­res et de téléréalit­és, mais, à l’heure du boom planétaire des feuilleton­s, ces couloirs à douces moquettes ont montré l’importance de la géopolitiq­ue commercial­e des séries.

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