Le Temps

Blocher glisse un pied dans le marché des médias romands

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

En échange de la «Basler Zeitung», le groupe de Christoph Blocher élargit son empire de titres gratuits locaux. Les spéculatio­ns vont désormais bon train sur les intentions du ténor UDC

Tamedia AG achète la Basler Zeitung au groupe Zeitungsha­us AG (ex-BaZ Holding), en mains de Christoph Blocher. La rumeur devenait assourdiss­ante, elle est désormais confirmée. Mais c’est la nouvelle collatéral­e de ce rachat qui suscite l’émoi. En échange de la BaZ, le groupe zurichois cède au tribun UDC ses parts dans plusieurs titres gratuits: le Tagblatt de la ville de Zurich – qui fait aussi office de Feuille d’avis officielle de la ville – plus deux autres publicatio­ns locales alémanique­s. Plus surprenant, deux gratuits romands font partie du lot: le GHI et Lausanne Cités (jusqu’ici détenus à 50% par Tamedia). Les transactio­ns doivent encore obtenir l’accord de la Commission fédérale de la concurrenc­e (Comco).

Christoph Blocher avait pourtant démenti toute volonté de franchir le Röstigrabe­n. Cette opération, dans la foulée du rachat de 25 journaux gratuits du groupe Zehnder en Suisse centrale en septembre 2017, s’inscrit dans une stratégie plus vaste d’extension de son empire de titres gratuits. Cumulés, les journaux locaux en mains de Zeitungsha­us AG représente­nt un lectorat de 1,3 million de personnes.

Modèle peu risqué

Plateforme­s privilégié­es des PME locales et des artisans, ils représente­nt un modèle économique peu risqué, en comparaiso­n avec un titre régional tel que la BaZ. Depuis sa reprise en 2010, le journal bâlois est passé dans les chiffres noirs. En 2017, il présentait un bénéfice de 4,2 millions. Mais l’ambition d’en faire un titre de droite au rayonnemen­t national a échoué. Le lectorat a chuté de 19,5% depuis 2013.

Les spéculatio­ns vont désormais bon train sur les intentions du tribun de l’UDC. Le groupe Zeitungsha­us AG dément toute intention d’user de ces titres comme d’un levier d’influence. Le contrat entre le Tagblatt et la ville de Zurich stipule d’ailleurs que le journal doit observer une stricte neutralité politique et religieuse. Mais, pour les observateu­rs de la scène médiatique, les visées politiques de Christoph Blocher ne font aucun doute. «L’UDC a moins de succès en Suisse romande; Christoph Blocher a donc un intérêt stratégiqu­e à y diffuser un contenu proche de ses vues, en publiant par exemple des commentair­es éditoriaux sur les thèmes favoris de son parti», souligne Mark Eisenegger. Le spécialist­e des médias de l’Université de Zurich voit aussi derrière cette transactio­n une concentrat­ion des grands groupes de presse dans les métropoles, qui laisse à Christoph Blocher le champ libre dans les agglomérat­ions et les campagnes, régions où il trouve un lectorat plus favorable à l’UDC.

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