La FHH honore Greubel Forsey
La Fondation de la haute horlogerie remet son Hommage au talent à Stephen Forsey et Robert Greubel. Franco Cologni, président de la fondation, est également honoré mais transmet son prix à Nicolas G. Hayek
Au téléphone, Stephen Forsey semble d’abord un peu emprunté. Mais, comme à son habitude, il rigole beaucoup. Dans le communiqué envoyé ce début de semaine, la Fondation de la haute horlogerie (FHH) dit remettre son Hommage au talent 2018 à Robert Greubel et Stephen Forsey car ils ont contribué à «redéfinir l’horlogerie indépendante». Mercredi soir à Genève, feu Nicolas G. Hayek a reçu, lui, l’autre prix de ce millésime 2017, l’Hommage à la passion, «transmis» par Franco Cologni.
1300 montres dans le monde
Redéfinir l’horlogerie indépendante? Stephen Forsey s’essaie au décryptage. «C’est un grand terme… Je crois que c’est surtout une manière de dire que nous sommes partis d’une feuille toute blanche. Il y a des centaines d’approches possibles de la montre. Nous, dès nos débuts, nous avons cherché à travailler sur l’excellence horlogère grâce à la confection de pièces originales. Nous visons une qualité différente du reste de l’industrie.»
Depuis quand? La marque Greubel Forsey, installée dans une ferme neuchâteloise ultramoderne à la sortie de La Chaux-deFonds (NE), n’a pas véritablement de date de naissance. «Robert et moi avons commencé de travailler ensemble en 1999. Nous avons fondé CompliTime [la fabrique de mouvements, ndlr] en 2001 et livré la première Greubel Forsey en 2004.» La commercialisation des montres a toujours été une manière de financer leurs recherches et leur vision de l’horlogerie.
En 2017, l’entreprise employait quelque 115 collaborateurs et a livré 108 pièces, «dont cinq grandes sonneries», se félicite le cofondateur. Sur ces quinze dernières années, la marque a développé 22 calibres et a produit, au total, «environ 1300 garde-temps». Premier prix: 155 000 francs.
L’objectif de l’entreprise: «Retrouver les niveaux de finition du travail fait main comme il était réalisé dans le passé», commente Stephen Forsey. Chaque pièce nécessite environ quatre mois de travail manuel par des artisans détenteurs de connaissances rares.
Impossible de fournir 1000 pièces par année
«Le plus difficile, c’est de trouver des employés avec ce que j’appelle l’intelligence de la main, c’està-dire capables de réaliser ces connexions entre le cerveau et le geste qui permettent les finitions du niveau attendu. Dans cette optique, réaliser 1000 pièces par année serait impossible car il n’existe pas assez de personnes capables d’y arriver», soutient Stephen Forsey.
N’est-il pas dommage que ces montres restent inaccessibles pour une très large partie de la population? «Bien sûr, mais nous devons payer nos artisans avec des salaires respectables, non? De plus, une Greubel Forsey est comme un tableau de maître. Par exemple, j’aime Monet, mais je ne pourrai jamais m’en offrir un. Cela ne veut pas dire que je ne peux admirer ses tableaux et y trouver de l’inspiration…» En outre, Stephen Forsey raconte avoir déjà rencontré des jeunes qui lui expliquaient avoir créé des fonds d’épargne pour, un jour, pouvoir s’offrir l’une de leurs montres. «Là, on se démarque de ce côté élitiste.»
Hommage «transmis» à Nicolas G. Hayek
Pour son second prix, l’Hommage à la passion, la FHH a tenu à récompenser Franco Cologni, cet «homme de conviction dont le nom est indissociable de l’extraordinaire destinée de Cartier ces trente dernières années et du déploiement du groupe Richemont dans la haute horlogerie», défend le communiqué de presse.
Franco Cologni étant également le président de la FHH, et pour éviter d’être «juge et partie», ce dernier a souhaité «transmettre» son prix à Nicolas G. Hayek, fondateur de Swatch Group, qui «a, lui aussi, su faire preuve d’une passion dévorante pour l’horlogerie. Ce prix décerné à titre posthume doit être compris comme un hommage à ce grand homme sans qui l’industrie horlogère helvétique ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui», relève Franco Cologni.