Réussir le virage numérique
A l’occasion du forum FORWARD organisé le 19 avril par «Le Temps», «PME Magazine» et l’EPFL au SwissTech Convention Center, nous vous proposons ce cahier spécial.
La digitalisation se distingue des autres révolutions technologiques par sa rapidité. Pour l’accompagner, l’Etat de Vaud a mené une étude en profondeur auprès des acteurs de l’économie et de la société. De son côté, l’EPFL lance une offensive de charme vis-à-vis des PME. Les discussions sur les enjeux du numérique sont désormais suivies d’actions
Les sous-traitants horlogers, les boulangers, les responsables des transports publics, les patrons de l’industrie, qu’ils soient à la tête de grands groupes ou de PME, tous savent qu’ils ne seront pas épargnés par le tsunami numérique. Certains ont déjà amélioré leur productivité grâce aux nouveaux outils de la digitalisation, d’autres ont carrément repensé leurs produits et leurs stratégies. Mais la majorité d’entre eux savent qu’ils ne sont qu’au début d’une transformation qui va durer des années. On dit que la Suisse n’est pas en avance dans cette révolution 4.0. C’est en tout cas la conclusion de plusieurs rapports, qui restent cependant superficiels ou trop généraux.
Une étude assez unique
Parce qu’il a fait de la transition numérique l’une des priorités de cette législature, le gouvernement vaudois a commandé une étude qualitative et assez unique sur l’état de l’économie et sur les mesures qu’il faudrait prendre pour la soutenir. «Face aux impacts de la digitalisation et devant l’émergence de nouveaux modèles d’affaires, affirme le conseiller d’Etat Philippe Leuba, le canton de Vaud a entrepris un travail de longue haleine qui mobilise l’intégralité de la chaîne de valeur du tissu économique pour atteindre un objectif: assurer la transition numérique et la compétitivité des PME.»
Pour définir les enjeux de cette transition, le Service de la promotion économique et du commerce (SPECo) et l’organisme de soutien Innovaud ont d’abord invité quelque 125 acteurs économiques venus de neuf secteurs différents. Non pas les chefs de l’informatique ou les spécialistes IT, mais les dirigeants responsables de l’avenir des entreprises. On est ainsi entré dans le concret de préoccupations qui peuvent varier selon qu’on travaille dans le tourisme, l’industrie ou la santé, mais qui ont ceci en commun qu’elles nécessitent des décisions au plus haut niveau.
S’ils se sentent démunis face au défi de la digitalisation, les chefs d’entreprise peuvent désormais s’appuyer sur un nombre impressionnant d’instituts de recherche ou d’entreprises expertes des technologies numériques. L’un des objectifs de cette étude visait précisément à cartographier les compétences disponibles dans le canton. Exercice réussi: mise en ligne ce 19 avril, la plateforme Vaud.digital référence quelque 300 entités, rien de moins (voir le site: www.innovaud.ch/vaudigital). «Elle permet, souligne Raphaël Conz, chef a.i. du Service de la promotion économique et du commerce (SEPCo), de connaître l’offre du canton en matière de digital et de créer des liens entre entités pour mener à bien de nouvelles collaborations.»
On apprend ainsi que la région abrite plus de 41 entreprises ou instituts actifs dans l’intelligence artificielle, 34 dans la cybersécurité, 59 en pointe dans l’internet des objets et presque autant dans la robotique… Le plus grand data center de Suisse? Il est installé à Gland et il est géré par la société Safe Host. Et c’est compter sans les 87 entités qui se distinguent par le développement de logiciels innovants.
Les opportunités... et les risques
Assez naturellement, et même si elle n’a pas le monopole de l’expertise numérique, l’EPFL et ses différents instituts se trouvent en bonne place. Ce qui tombe bien. Souvent perçue comme inaccessible par nombre de patrons, la haute école a entamé ces derniers mois une offensive de charme vis-à-vis des entreprises de la région. Elle s’est ainsi donné comme mission de soutenir les PME dans leur transition digitale, comme l’explique son président Martin Vetterli
(lire son interview en page 23). Elle multiplie les initiatives qui visent à soutenir l’économie, mais aussi l’ensemble de la société dans la transition numérique. Par exemple, par la création du Center for Digital Trust, soutenu par les pouvoirs publics, le CICR et des entreprises comme SICPA et la Société générale de surveillance (SGS). Ce pôle d’expertise récemment inauguré porte sur les opportunités mais aussi les risques de la numérisation tels que révélés par l’affaire Facebook-Cambridge Analytica.
Ce sont les premiers pas d’une vaste politique d’accompagnement prenant en compte les spécificités de la révolution numérique. Certaines mesures pourront être mises en oeuvre à l’échelle des cantons, comme celles évaluées actuellement par le gouvernement vaudois. D’autres se doivent d’avoir une dimension suprarégionale, nationale, voire internationale. Voilà en tout cas l’une des convictions des organisateurs de FORWARD, le Forum de l’innovation pour les PME, qui se tient pour la première fois, ce 19 avril, au SwissTech Convention Center (STCC) de l’EPFL.