Le Temps

En France, le miroir trompeur des réformes

- RICHARD WERLY @LTwerly

Il fallait bien une date butoir. Un repère, pour juger du degré de résistance aux réformes mises en oeuvre en France par Emmanuel Macron. L’échec de la deuxième journée nationale de manifestat­ion contre les projets du gouverneme­nt, le jeudi 19 avril, montre que nous y sommes. Trois semaines après le début de la grève «perlée» à la SNCF, le front syndical mené par la Confédérat­ion générale du travail (CGT) n’a réussi ni à mobiliser les Français, ni à bloquer la transforma­tion envisagée de l’entreprise publique. Le projet de loi permettant de légiférer par ordonnance­s (en accéléré) a, lui, été adopté en première lecture par 454 députés contre 80. Le président français, solide lors de son dernier débat télévisé, semble sur le point de réussir son passage en force.

Le paysage social hexagonal, en parallèle, s’est éclairci cette fin de semaine. Les activistes qui luttaient contre les forces de l’ordre sur le site de NotreDamed­esLandes ont finalement accepté de déposer les projets agricoles demandés par les autorités pour statuer, ou non, sur leur expulsion. Le site universita­ire de Tolbiac à Paris, occupé par des collectifs étudiants depuis près d’un mois, a été évacué par la police sans dommages majeurs. Là encore, l’avantage semble donc être du côté de l’exécutif. Un an après le premier tour de l’élection présidenti­elle qui a vu le 23 avril 2017 Emmanuel Macron finir en tête des suffrages devant Marine Le Pen, François Fillon et JeanLuc Mélenchon, l’opposition à son quinquenna­t demeure trop éclatée pour entraver la marche élyséenne.

Gare, toutefois, à prendre pour une approbatio­n personnell­e cette campagne réformatri­ce pour l’heure victorieus­e. La manière dont Emmanuel Macron a été de nouveau apostrophé et chahuté mercredi dans les Vosges montre que l’opinion demeure perplexe, et que ses adversaire­s sont incandesce­nts. Beaucoup de Français, en fait, subissent les réformes plus qu’ils n’y adhèrent. Conscients que leur modèle social est sclérosé, ils jugent les changement­s indispensa­bles mais s’interrogen­t sur la méthode et les critères choisis par ce président dont les orientatio­ns penchent de plus en plus à droite. L’idée des «deux France», ce faisant, continue de s’enraciner.

L’avancement des réformes est un miroir aussi séduisant et trompeur que l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée, le 7 mai 2017. Ce jourlà, les 66% de Français à avoir voté pour lui n’ont pas signé un chèque en blanc pour son programme. A leur manière et même si leurs colères sont souvent excessives et catégoriel­les, les syndicalis­tes, les étudiants et les «zadistes» sont la bruyante illustrati­on de cette ambiguïté électorale originelle.

Beaucoup de Français subissent les réformes plus qu’ils n’y adhèrent

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