Le Temps

Manuel Valls, la tentation de Barcelone

- LUIS LEMA @luislema

L’ancien premier ministre français Manuel Valls – qui est aussi au bénéfice de la nationalit­é espagnole – envisage de se présenter à la candidatur­e pour la mairie de la capitale catalane, dans le camp antisépara­tiste: «Le destin de la Catalogne, c’est l’Espagne. Et le destin de l’Espagne, c’est de contenir la Catalogne», ditil.

L’ancien chef du gouverneme­nt français, en perte de vitesse à Paris, reconnaît qu’il va étudier une propositio­n du mouvement Ciudadanos

Le verbe était un tout petit peu hésitant, mais le message semblait clair. Manuel Valls a répondu à la fois en espagnol, et de son propre aveu dans le langage propre aux «hommes politiques», à la question qui lui était adressée vendredi matin sur la télévision publique espagnole: oui, du point de vue «politique et intellectu­el», cela l’intéresser­ait de poursuivre autrement le débat sur la question de l’indépendan­ce de la Catalogne; oui, si cela devait se préciser, l’ancien premier ministre français «réfléchira­it» à la possibilit­é de se porter candidat à la mairie de Barcelone, lors du scrutin prévu l’année prochaine.

Né à Barcelone, de père catalan (et de mère tessinoise), Manuel Valls se dit ainsi prêt à mettre «ses origines» à dispositio­n de sa Catalogne natale. Une démarche inhabituel­le mais qui semble répondre à une certaine logique. Manuel Valls, comme il le soulignait encore vendredi, s’est préoccupé très vite publiqueme­nt de la course en avant lancée par les indépendan­tistes catalans. Sur le plateau de la télévision espagnole, il se posait à nouveau en défenseur convaincu des Etatsnatio­ns. «Le destin de la Catalogne, c’est l’Espagne, clamaitil. Et le destin de l’Espagne, c’est de contenir la Catalogne. Mais tout cela est très fragile: si on touche aux frontières, alors une guerre devient possible.»

En France, Manuel Valls est aujourd’hui apparenté à la majorité présidenti­elle, après qu’il a quitté le Parti socialiste l’année dernière à la suite de son échec lors de la primaire. «La socialdémo­cratie est en fin de cycle», assuraitil vendredi en utilisant une formule qu’il se plaît à répéter depuis lors. Et en urgeant les socialiste­s à entrer dans un processus semblable à celui d’En marche! d’Emmanuel Macron.

«Un ami de l’Espagne»

Cela tombe bien: pareil mouvement existe aussi en Espagne, et il semble promis à un bel avenir. Créant la surprise lors des dernières élections catalanes, le mouvement Ciudadanos («Citoyens») a été le parti le plus voté dans la région, et les sondages le montrent désormais menaçant le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy sur le plan national. La recette de son chef Albert Rivera? Une formation jeune, qui se veut proche des intérêts des entreprise­s et n’est pas compromise dans les affaires de corruption qui malmènent la classe politique. Mais aussi, en rapport avec l’indépendan­ce de la Catalogne, un discours très ferme, qui est de nature à séduire l’électorat antiindépe­ndantiste.

Défenseur de la monarchie et du rôle du roi dans cette crise, fier de s’afficher «patriote espagnol» (et non «nationalis­te»)… C’est exactement le discours tenu par Manuel Valls, qui n’en finit plus de participer en Espagne à des rencontres et des débats sur cette question. «Nous allons ouvrir les portes au talent. Monsieur Valls est un ami de l’Espagne et de l’Europe, et il mérite notre respect», affirmait à son tour Albert Rivera, en réclamant toutefois davantage de temps pour explorer la question.

Mais d’autres ont déjà sorti les calculette­s. Une candidatur­e de l’exchef du gouverneme­nt français permettrai­t à Ciudadanos non seulement de viser l’électorat espagnol «unioniste» mais aussi les ressortiss­ants européens qui vivent à Barcelone et disposent du droit de vote aux élections municipale­s. En outre, bien que presque un nouveauné, le mouvement est confronté à une vive querelle de personnes et ses militants ne semblent pas réellement convaincus par la candidate «naturelle» à la mairie, Carina Mejias, une transfuge du PP.

La course vers l’Ajuntament de Barcelone ne serait pourtant pas un chemin de roses pour Manuel Valls. Il devrait passer par une élection primaire au sein de son nouveau parti avant d’affronter des rivaux qui n’ont pas attendu longtemps avant de sortir les couteaux. Une mairie ne sert pas à faire des débats identitair­es mais «à gérer les problèmes réels des voisins», rugissait dans un tweet le chef du PP de Catalogne Xavier García Albiol. Quant à Pedro Sanchez, le jeune dirigeant du Parti socialiste espagnol, qui affichait il y a peu encore sa proximité avec Manuel Valls, il se faisait lui aussi assassin: «Notre projet politique n’est pas celui qu’il défend actuelleme­nt.»

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