Le Temps

Ce qui rapproche un zadiste de Trump

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

A la fin de son mandat, Barack Obama avait donné une interview brillante à Wired. C’était au sujet des nouvelles technologi­es. Logique pour ce magazine à la pointe du domaine; le président américain montrait non seulement sa maîtrise parfaite de l’état de la science mais aussi sa faculté à esquisser une vision politique à ce sujet. Emmanuel Macron a réédité l’exercice avec le même média dans entretien très dense sur l’intelligen­ce artificiel­le. Et il y a quelque chose de roboratif à lire le président imaginer l’avenir alors que l’actualité le confronte à la vieille France, pétrifiée à l’idée de tout changement. Celle des cheminots figés dans un statut d’un autre siècle, celle de quelques étudiants répétant la même scène éculée depuis Mai 68 et celle encore des agités qui jouent un remake du Larzac, version NotreDamed­esLandes.

Quand ceuxlà ont leur horloge arrêtée autour de 1970, le quadra au pouvoir leur montre dans Wired les enjeux qui vont structurer nos sociétés, et rappelle l’importance de mélanger sciences dures et sociales car rien ne sortira du progrès si seule la technologi­e décide. Il développe une vision face à des groupes réactionna­ires qui ont un intérêt direct à perpétuer un système tout juste capable de générer du chômage de masse et dont ils retirent des dividendes politiques. Cette confrontat­ion de styles révèle un point de bascule saisissant par rapport à Mai 68. La modernité se trouve cette fois du côté du pouvoir démocratiq­uement élu quand l’étroitesse d’esprit et la vision passéiste se portent fièrement en bandoulièr­e chez tous les zadistes de l’Hexagone. Frappant aussi, cette Francelà – qui avait il y a dix ans encore la manie de mettre le terme «citoyen» partout où il y avait de la contestati­on – ne s’embarrasse même plus d’un idéal de classe sociale.

Les insurgés actuels ne veulent pas de solidarité. Ils veulent tout simplement le grand retour en arrière: vivre comme avant, se fermer au progrès et subsister chacun de leur côté, certains avec leur statut, d’autres dans leur uni douillette – où tout le monde a 20/20 s’il se met à crier un peu fort –, et les derniers sur le lopin de terre qu’ils ont confisqué. C’est la raison pour laquelle il n’y aura pas de convergenc­e des luttes.

Cette capacité à saisir la modernité n’est pas le fait de tous les chefs d’Etat. Elle distingue Obama et Macron de Trump: là aussi, il y a ceux qui veulent comprendre leur époque pour conquérir le futur et ceux – incapables de saisir les enjeux technologi­ques actuels – qui ne sont là que pour vivre sur l’ancien système sans être capables d’envisager la suite.

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