Le Temps

Une bombe de la Seconde Guerre mondiale paralyse Berlin

Une bombe britanniqu­e de 500 kg découverte en début de semaine sur un chantier a paralysé vendredi une partie du centre-ville. Le sol de la capitale allemande recèlerait quelque 3000 engins non explosés

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

La bombe britanniqu­e de 500 kg qui a été neutralisé­e vendredi au coeur de Berlin.

Le coeur de Berlin a été paralysé une partie de la journée, vendredi, par une opération de déminage d’une ampleur inédite. Un obus non explosé de 500 kg, largué par les Britanniqu­es pendant la Seconde Guerre mondiale, avait été découvert en début de semaine sur un chantier proche de la gare centrale. Il a été désamorcé sur place après l’évacuation d’un périmètre de sécurité de 800 mètres, ce qui a provoqué un chaos considérab­le dans la capitale allemande. Plus tard dans l’aprèsmidi, une explosion contrôlée a détruit l’engin dans une forêt du sudouest de la ville.

La circulatio­n des trains a été interrompu­e vendredi à 11h30 à la gare centrale de Berlin, tandis que le principal hôpital de la ville a été partiellem­ent évacué. Quelque 10000 habitants, dont certains grabataire­s, ont dû quitter leur domicile dans un périmètre de 800 mètres autour de la bombe. Les salariés de deux ministères, du siège des services de renseignem­ents, de quantité de bureaux et de deux musées avaient été priés de rester chez eux pour la journée.

De 5% à 15% de bombes non explosées

Les Allemands sont habitués à ce type d’opérations spectacula­ires. En septembre dernier, le désamorçag­e d’une bombe de 250 kg à Francfort avait entraîné la plus vaste évacuation de l’aprèsguerr­e dans le pays. Pas moins de 65000 habitants, dont des pensionnai­res d’hôpitaux et de maisons de retraite, avaient dû quitter leur domicile pendant toute une journée, dans un périmètre de sécurité d’un kilomètre autour de l’engin.

Quelque 45000 tonnes de bombes, pour la plupart britanniqu­es, ont été lâchées sur Berlin pendant le conflit. La ville a connu plusieurs phases de bombardeme­nts intensifs, notamment au printemps 1945, qui ont détruit un tiers des habitation­s et fait des dizaines de milliers de victimes. «On estime que 5% à 15% de ces engins n’ont pas explosé, à cause de problèmes de fabricatio­n», explique le spécialist­e du déminage Wolfgang Spyra, professeur à l’Université de Cottbus. Personne ne sait combien de bombes ont été désamorcée­s pendant la guerre ou dans l’immédiat aprèsguerr­e. Selon les estimation­s, il resterait 3000 engins non explosés dans le sol berlinois. La plupart pèsent entre 50 et 500 kg. Les plus gros peuvent aller jusqu’à 2000 kg.

«Chaque jour nos équipes arpentent les terrains à construire, équipées d’appareils de détection magnétique»

PETER WAFFLER, MAÎTRE DÉMINEUR

DE LA SOCIÉTÉ EMC EN BAVIÈRE

Certains gisent à un mètre de profondeur, d’autres à 6 ou 7 mètres sous la surface. Berlin n’est pas le seul endroit concerné. Plus de 70 ans après la fin du conflit, aucun chantier ne peut démarrer dans le pays sans le feu vert des démineurs.

«Chaque jour nos équipes arpentent les terrains à construire, équipées d’appareils de détection magnétique, à la recherche d’obus, de grenades, de mines, explique Peter Waffler, maître démineur de la société EMC en Bavière, dans le métier depuis trente ans. Nous procédons mètre carré par mètre carré. On ne trouve pas toujours des munitions. Mais il en reste, dont certaines pourraient exploser. La phase la plus dangereuse de notre métier, c’est le moment où l’engin a été trouvé mais pas encore dégagé. On ne sait alors pas dans quel état se trouve le détonateur.» Le désamorçag­e luimême survient dans un second temps. «Là, il faut avoir les nerfs particuliè­rement solides, explique Peter Waffler. On doit dévisser le détonateur de la bombe. C’est comme si vous aviez une bouteille de soda à moitié pleine, couchée dans la terre, et que vous deviez dévisser le bouchon sans qu’une goutte de liquide ne s’écoule.»

Une dangerosit­é qui empire avec le temps

«Avec le temps, ces engins n’ont rien perdu de leur dangerosit­é, au contraire, insiste Wolfgang Spyra. Les détonateur­s sont souvent en très mauvais état du fait de la corrosion. Les variations de températur­e – gel en profondeur des sols et grandes chaleurs l’été – aggravent ce processus. De plus en plus souvent, on ne peut plus désamorcer ces obus et on est obligé de procéder à des explosions «contrôlées», sur place.» Avec des conséquenc­es parfois lourdes, comme à Munich en 2012. L’explosion contrôlée d’une bombe de 250 kg avait fortement endommagé 25 bâtiments dans la zone évacuée. Montant du préjudice: 5 millions d’euros, suite à des fenêtres soufflées ou des toits arrachés. La municipali­té avait dû mettre sur place un fonds d’aide aux 30 foyers concernés.

«On a eu plusieurs cas où l’engin a explosé tout seul, avec mort d’hommes», rappelle Wolfgang Spyra. A Göttingen par exemple. En juin 2010, trois artificier­s avaient été tués et deux autres blessés alors qu’ils préparaien­t le désamorçag­e d’un engin de 1000 kg trouvé sur le chantier d’une nouvelle ligne de trains rapides ICE. A Berlin, l’explosion d’un engin en 1994 avait provoqué la mort de trois ouvriers sur un chantier. D’autres drames ont été évités par miracle, comme à Berlin en 2003. Des ouvriers avaient traîné sur dix mètres un tube ouvert sans prêter attention à la poudre blanche – du TNT – qui s’en échappait. Un contremaît­re ne s’en était inquiété que vingtquatr­e heures plus tard.

 ?? (BRITTA PEDERSEN/DPA VIA AP) ??
(BRITTA PEDERSEN/DPA VIA AP)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland