Alain Krivine: «68 a ouvert le champ des possibles»
ANNIVERSAIRE Le Gymnase de Beaulieu à Lausanne accueillait vendredi l’une des chevilles ouvrières du mouvement Mai 68, Alain Krivine, à l’occasion du cinquantenaire
Cinquante ans après, la fascination des jeunes pour Mai 68 semble toujours opérer. Vendredi, 250 étudiants et leurs enseignants du Gymnase de Beaulieu à Lausanne étaient mobilisés pour une journée de réflexions et de débats autour du mouvement historique. Alain Krivine, le leader étudiant des années 1960, fondateur de la Ligue communiste révolutionnaire française, était l’invité phare de l’événement et fut longuement applaudi par les étudiants.
Ce militant de la première heure a ainsi commencé par capter son auditoire: «Pourquoi parleton aujourd’hui de Mai 68? Parce qu’on est à la veille d’une nouvelle révolte sociale. A l’époque, dix millions de grévistes plantaient leurs drapeaux rouges sur les usines, c’était du jamais vu! Actuellement, on assiste au développement d’une fronde anticapitaliste, au commencement d’une coordination des luttes, ouvrières, étudiantes, féministes, qui peut donner quelque chose. Car s’il y a bien quelque chose que Mai 68 m’a appris, c’est que personne ne peut jamais rien prévoir.»
La mère de tous les mouvements
Il décrit la rue à Paris, à l’époque. «Du jour au lendemain, les gens se sont métamorphosés. Il n’y avait plus ni métro, ni boulot, ni dodo. Tout le monde se parlait, quelles que soient les origines, les classes sociales. Je n’ai plus jamais vécu cela depuis. Ce n’était pas une révolution, mais un mouvement social: on ne savait pas où ça allait, simplement que ça n’allait pas.»
Alain Krivine compare la situation d’époque avec aujourd’hui et espère que débute un nouveau Mai 18. Il salue la révolte féministe postWeinstein: pour lui, tous les mouvements féministes, LGBT, écologiques, sont nés de Mai 68. «Aujourd’hui, les étudiants sont plus nombreux, le prolétariat aussi.» L’homme regrette seulement que les travailleurs ne soient pas plus unis, et qu’ils ne croient plus aux luttes.
Des gymnasiens, passionnés, prennent la parole. L’un d’eux lance: «Quel serait votre idéal communiste?» «Je ne me présente plus comme communiste parce que les gens ne savent pas ce que c’est. Etre dans la lutte. Voilà ce qui m’intéresse. On peut se passer de l’Etat, il nous faut arriver à une autogestion: que des conseils ouvriers dirigent les sociétés. Pour l’instant on n’a pas de solution, tous ceux qui ont essayé, Syriza, Podemos, Nuit Debout, ont échoué. On trouvera.»
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