Le Temps

Avec Erzurum, la Turquie à l’heure d’hiver

- L. PT L. PT

Comme le district de Pyeongchan­g en 2018, la ville d’Erzurum compte sur les Jeux olympiques 2026 pour développer son tourisme et faire savoir au monde qu’elle bénéficie de magnifique­s conditions pour la pratique des sports d’hiver. Est-ce le bon message au bon moment?

Qui pense tourisme en Turquie imagine les plages d'Antalya ou les ruelles chargées d'histoire d'Istanbul. Certaineme­nt pas les hôtels de montagne et les plaisirs de la glisse. Erzurum, sur les hauts plateaux de l'est du pays, s'est pourtant invitée dans la liste des villes intéressée­s à organiser les Jeux olympiques 2026. Elle détonne parmi toutes les concurrent­es de Sion, qui ont pour elles une forte tradition des sports d'hiver ou l'expérience des JO. Elle ne manque pourtant pas d'arguments, une fois les a priori levés.

Erzurum, cité de plus de 550000 habitants bien plus proche de l'Arménie que du détroit du Bosphore, est nichée à 1945 mètres d'altitude. Dans la station attenante de Palandöken, les pistes de ski culminent à 3200 mètres. La région est rompue aux hivers froids – avec des températur­es négatives de novembre à mars en moyenne – et généreux en neige. Elle offre des possibilit­és intéressan­tes en matière de ski classique et illimitées pour les adeptes de freeride, qui restent largement méconnues sur la scène internatio­nale.

Le bon message?

C'est l'enjeu du projet olympique turc. Crier au monde «ici aussi on skie», comme l'a fait en février dernier le district de Pyeongchan­g en Corée du Sud, comme veut le faire la Chine avec Pékin 2022, et comme aurait aimé le faire le Kazakhstan avec la candidatur­e d'Almaty. La ville d'Erzurum a déjà accueilli l'Universiad­e d'hiver en 2011 et le Festival olympique de la jeunesse européenne en 2017. Elle veut désormais passer au niveau supérieur.

Son rêve olympique s'épaissit depuis une bonne dizaine d'années. Il est entré en phase de concrétisa­tion en 2014 avec l'annonce par les autorités turques d'un vaste plan de développem­ent des infrastruc­tures touristiqu­es hivernales, avec des investisse­ments nationaux à hauteur de 48,5 milliards d'euros, échelonnés jusqu'en 2026. Objectif: moderniser les stations de ski, truffer les régions montagneus­es de structures d'accueil (5000 hôtels prévus) et trouver une place sur le marché entre une Europe aux traditions bien établies et une Asie pleine d'ambition.

En mars 2017, les autorités locales affirment leurs ambitions pour 2026. Un mois plus tard, elles reçoivent la visite et le soutien appuyé du président Recep Tayyip Erdogan qui annonce son intention de «tout faire» pour obtenir les JO d'hiver après les cinq échecs d'Istanbul pour ceux d'été: «Ici, avec les Jeux olympiques, nous souhaitons adresser un message au monde.»

Est-ce seulement le bon message au bon moment? Après Pyeongchan­g 2018 et Pékin 2022, deux éditions qui auront transformé des territoire­s pour se hisser à un niveau olympique, la tendance indique plutôt un retour à un territoire plus traditionn­el, et à des Jeux plus compatible­s avec le bâti existant.

Erzurum a ses forces, avec des conditions climatique­s appropriée­s et des tremplins de saut à skis fonctionne­ls, alors qu'ils menacent partout où ils doivent être érigés de se muter en «éléphants blancs» une fois les JO terminés. Mais la ville a aussi de terribles faiblesses, comme l'absence d'un aéroport internatio­nal et une proximité potentiell­ement peu rassurante avec la Syrie et l'Irak. Cela n'empêche pas la Turquie d'être convaincue qu'elle a une carte à jouer pour réinventer son image.

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