UN AVENTURIER BOITEUX, MÉTIS ET BÂTARD
Bessora suit les heurs et malheurs d’un adolescent en quête de reconnaissance qui quitte sa Réunion natale pour Paris, en 1846. De père gabonais et de mère suisse, l’auteure croque une société coloniale sur le déclin à travers ce destin romanesque
◗ Le premier de cette dynastie de boiteux, c’est Jean-Marie Duchelieu, le père du héros, une aimable crapule, un aventurier pas très heureux en affaires. Son fils, Johann Belloni, est né à la Réunion en 1831, l’homme ne se souvient plus bien de quelle mère. Quand le gamin en quête de reconnaissance tape à la porte de son géniteur, à Paris, en 1846, il ne trouve que son appétissante belle-mère. Duchelieu mène ses trafics au Gabon. La dynastie des
boiteux est le premier volume d’une tétralogie. En postface, Bessora dit s’inspirer de personnages réels, qui ont vécu dans ces années où les sciences naturelles s’épanouissaient. La boiterie, le métissage et la bâtardise, ces blessures dans l’identité de Johann, soustendent ce premier volume. De père gabonais et de mère suisse, l’auteure a vécu en France, en Belgique, aux Etats-Unis, en Afrique. Elle s’est fait connaître en 1999 avec 53 cm: une ethnologue africaine y étudiait avec application les moeurs et les croyances des sauvages européens. Dans La dynastie des boiteux, elle a la plume diserte et souvent heureuse.
On suit avec intérêt les aventures de Johann: Bessora est une conteuse habile, qui prend un plaisir contagieux à détailler les heurs et malheurs de son héros. A Paris, cet adolescent en mal de légitimité frôle l’inceste avec sa jolie belle-mère qui retrouve en lui l’odeur de narcisse de son mari. Hélas, elle meurt trop vite lors des émeutes de 1848. Johann suit son père quand celui-ci retourne au Gabon après avoir pleuré sa femme et placé ses filles. Pendant son séjour parisien, Johann a fait son apprentissage de taxidermiste chez les célèbres frères Perrin. Il rêve de grands singes et d’un destin d’aventurier. Mais Duchelieu se débarrasse de lui en le casant dans l’administration coloniale.
ZOOS HUMAINS
Bessora excelle dans les portraits de Blancs décatis. Malin et débrouillard, Johann connaît finalement le sort dont il a rêvé, avec des hauts et des bas, des revirements spectaculaires. Après l’Europe et l’Afrique, il conquiert les Etats-Unis et atteint la célébrité grâce à ses Explorations et aventures en Afrique
équatoriale dont le titre entier prendrait cinq lignes, si on le laissait faire. C’est l’époque des zoos humains, de Barnum, des expositions coloniales. Il finira, pauvre et âgé, à Saint-Pétersbourg, à l’aube du nouveau siècle. La vie de ce personnage romanesque lui est contée par une voix qui le tutoie. Il faudra attendre longtemps pour savoir qui lui parle et d’où. On attend avec intérêt les trois volumes à venir, dont l’auteure a semé des amorces au cours du récit. ▅
Bessora sera au Salon du livre de Genève samedi 28 avril à 11h30, à l’enseigne du Salon africain.