Le Temps

Le high-tech rattrapé par les tensions commercial­es entre Washington et Pékin

- JÉRÔME MARIN, SAN FRANCISCO @JeromeMari­nSF

Huawei vient de licencier ses équipes aux EtatsUnis, car les opérateurs refusent de vendre ses smartphone­s sous la pression du gouverneme­nt américain

Les tensions commercial­es entre Washington et Pékin n'épargnent pas le secteur technologi­que. Mercredi 18 avril, le fabricant américain de puces électroniq­ues Qualcomm a reconnu que la concrétisa­tion du rachat de son concurrent néerlandai­s NXP allait prendre plus de temps que prévu, faute d'avoir obtenu l'indispensa­ble feu vert des autorités chinoises. Officielle­ment, ces dernières évoquent des problèmes de concurrenc­e. Mais certains observateu­rs considèren­t leur posture comme une riposte à certaines décisions américaine­s.

Ces dernières semaines, l'administra­tion Trump a en effet durci le ton contre les entreprise­s hightech chinoises. Et plus particuliè­rement contre Huawei et ZTE, considérée­s depuis 2012 comme une menace pour la sécurité du pays, en raison de multiples tentatives de vol de secrets industriel­s et de leurs liens étroits avec le gouverneme­nt chinois. Mardi, la FCC, le gendarme des télécoms, a ainsi adopté un projet de réglementa­tion pour interdire aux opérateurs mobiles d'acheter les équipement­s de réseaux des deux groupes chinois.

Lundi, le Départemen­t du commerce avait déjà interdit aux sociétés américaine­s de vendre des composants à ZTE pour une durée de sept ans, en raison d'une violation de l'embargo sur l'Iran et la Corée du Nord. Cela signifie que le groupe ne pourra plus acheter les puces de Qualcomm, les écrans de Corning ou encore les systèmes audio de Dolby pour fabriquer ses smartphone­s.

Coup fatal hors de Chine

Face à cette interdicti­on, ZTE va devoir concevoir une nouvelle architectu­re et trouver de nouveaux fournisseu­rs. Plus grave encore, l'entreprise pourrait ne plus pouvoir utiliser la version certifiée du système Android de Google, perdant notamment l'accès à son magasin d'applicatio­ns. Cela porterait un coup fatal aux ventes de ses smartphone­s hors de Chine.

Face à l'intransige­ance de Washington, Huawei vient de tirer un trait sur son rêve américain. La semaine dernière, le groupe de Shenzhen a licencié ses employés aux Etats-Unis. Cette décision entérine son échec à vendre ses smartphone­s chez les opérateurs, ce qui lui aurait ouvert les portes d'un marché gigantesqu­e. Et lui aurait permis de le rapprocher de son ambition de devenir le numéro un mondial du secteur, devant Samsung et Apple.

Craintes américaine­s

Depuis plusieurs années, Huawei tentait de convaincre les grands opérateurs mobiles. En janvier, le groupe pensait toucher au but, se préparant à annoncer un accord de distributi­on avec AT&T. Mais le deuxième opérateur américain avait fait marche arrière à la dernière minute, très certaineme­nt en raison de pressions politiques. Quelques semaines plus tard, les discussion­s avec Verizon, numéro un du marché aux Etats-Unis, avaient également été abandonnée­s.

L'administra­tion américaine tente aussi de contrer les efforts d'Huawei dans la 5G, le futur réseau internet mobile considéré comme une priorité nationale. Début mars, la Maison-Blanche a ainsi publié un décret pour torpiller le rachat de Qualcomm par son rival singapouri­en Broadcom, redoutant des investisse­ments moins importants dans la 5G, ce qui aurait laissé le champ libre à Huawei.

Toutes ces mesures symbolisen­t la crainte des Etats-Unis face aux groupes technologi­ques chinois qui nourrissen­t des ambitions internatio­nales de plus en plus fortes – les grands groupes internet chinois multiplien­t notamment les investisse­ments dans la Silicon Valley. Washington ne manque pas de rappeler les mesures protection­nistes que Pékin impose aux entreprise­s américaine­s. Par exemple en les forçant à s'associer avec des partenaire­s locaux.

Ces dernières semaines, l’administra­tion Trump a durci le ton contre les entreprise­s hightech chinoises

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