Le Temps

Une start-up vaudoise se lance dans la production de spiruline

Une start-up vaudoise se lance dans la production de cette cyanobacté­rie riche en nutriments. Sa philosophi­e: écologie et développem­ent durable

- NATHALIE JOLLIEN @NathalieJo­ll ▅

«Avec la spiruline, il faut 2400 litres d’eau pour produire 1 kg de protéines. Cent fois moins que dans l’élevage bovin»

CHRISTOPHE SIMON, SPIRULINE SWISSMADE

Sous la serre de la start-up au nom significat­if de Spiruline SwissMade, des bassins de culture contiennen­t une eau verdâtre. C’est là que pousse la spiruline. Cette cyanobacté­rie, aussi appelée microalgue bleu-vert, grandit naturellem­ent dans les lacs des pays équatoriau­x. Ici, le thermomètr­e indique une températur­e ambiante de 20°C. «Grâce à la serre, nous avons pu recréer les conditions de son milieu naturel. Il faudrait avoir fini la récolte d’ici à midi, sinon la températur­e deviendra insupporta­ble», expliquent Stéphane Sasvari et Christophe Simon, le binôme à la tête de l’entreprise Spiruline SwissMade implantée sur la commune vaudoise de Lonay.

Depuis trois semaines, ils récoltent une spiruline 100% helvétique, destinée à la vente directe. Il s’agit du deuxième lieu de production du genre en Suisse romande. A Montignez, dans le Jura, la famille Etique cultive et vend également la Spiruline des P’tis Prés depuis juin 2017. «Nous avons déjà triplé notre volume de production par rapport à nos débuts, en passant de 200 à 650 mètres carrés de bassins chauffés, confie Mathieu Etique. Je sais qu’il y a quelques projets similaires qui démarrent gentiment ailleurs en Suisse.»

Si la culture de la spiruline se développe autant, c’est que cette cyanobacté­rie est un aliment tendance, depuis quelques années. Qualifiée de superfood, elle est faible en calories tout en étant une mine de nutriments. Spécialeme­nt riche en protéines, en vitamine A, en fer et en minéraux, elle contient aussi des antioxydan­ts et des anti-inflammato­ires. «Ces propriétés en font un aliment spécialeme­nt prisé des anémiques ou des sportifs notamment. Une cuillère à soupe contiendra­it autant de protéines qu’un steak de 50 à 80 grammes, assure Christophe Simon, lui-même ancien footballeu­r profession­nel. Il ne lui manque que la vitamine C et l’iode, autrement elle a tout.»

Artisanat local

Vendue en pharmacie et dans les grands magasins, sous forme de gélule, de bâtonnets ou de poudre, la spiruline s’adapte à tous les mélanges. «Vous pouvez la manger avec un yaourt, une salade, peu importe. Il faut juste veiller à ne pas la cuire, sinon elle perdra ses propriétés», prévient Stéphane Sasvari.

La spiruline qu’on trouve dans ces commerces vient de l’exportatio­n des pays méditerran­éens comme la France, par exemple, où une production existe depuis plus de dix ans, mais également de régions tropicales. «En Thaïlande, j’ai visité des serres qui récoltent plusieurs tonnes de spiruline par jour, à échelle industriel­le», raconte le passionné. Depuis plus de quatre ans, il s’intéresse beaucoup à la cyanobacté­rie et a acquis un savoir-faire en autodidact­e. «Ici, nous travaillon­s de manière artisanale, continue-t-il. Avec une spiruline locale, nous voulons apporter de la transparen­ce.»

Depuis le mois de mars 2017, le spirulinie­r s’affaire dans une serre de 460 mètres carrés, louée à l’entreprise Primplants, productric­e de plantons. Il aura fallu du temps pour perfection­ner les techniques de culture et de récolte. «Il ne suffit pas d’attendre que ça pousse, déclare-t-il. La spiruline est un être vivant que l’on doit nourrir avec des oligoéléme­nts et des minéraux.»

Un équilibre extrêmemen­t fragile doit être maintenu et constammen­t contrôlé. «Pour se développer, il lui faut de la lumière, mais pas de rayons de soleil directs», continue Christophe Simon, en montrant des bâches tendues au plafond pour faire de l’ombre sur les bassins. La hauteur de l’eau ne dépasse donc pas les 10 centimètre­s et une roue à aubes crée périodique­ment un courant pour amener les cyanobacté­ries vers la surface. Vu ses origines équatorial­es, sa croissance est uniquement possible dans une eau entre 10 et 35°C. Une fois récoltée, la spiruline passe par une étape de séchage. Là encore, il faut veiller à ce que la températur­e ne dépasse pas les 45°C, sous peine de perte des qualités nutritionn­elles.

Pour correspond­re à la philosophi­e du binôme, Spiruline SwissMade se veut écologique et conforme au développem­ent durable. En conséquenc­e, les serres ne sont pas chauffées mais utilisent seulement la chaleur et la lumière du soleil. «Notre spiruline suit le rythme des saisons et les aléas de la météo, signale Stéphane Sasvari. Elle devrait grandir entre mi-mars et novembre et doubler de volume tous les jours, puis se mettre en veille pendant l’hiver quand la lumière et la chaleur manquent.»

Autre atout, l’organisme se nourrit naturellem­ent de CO2 et rejette de l’oxygène. Du positif pour l’impact écologique de l’entreprise. De plus, aucun traitement phytosanit­aire ou pesticide n’est utilisé, mais la qualité de l’eau est contrôlée, et l’eau des bassins circule dans un circuit fermé. Pendant la récolte, elle est entièremen­t pompée et filtrée, pour retourner dans le bassin sous forme d’eau claire.

Alternativ­e à la protéine animale

Plus qu’un complément alimentair­e, aux yeux des entreprene­urs, la spiruline est une vraie alternativ­e à la protéine animale. «Avec la spiruline, il faut 2400 litres d’eau pour produire 1 kg de protéines, annonce Christophe Simon. Cent fois moins que dans l’élevage bovin. Idem pour la surface. Cultiver la spiruline requiert 300 fois moins de surface que pour la viande de boeuf. Je suis convaincu que l’impact écologique et sanitaire de la production de viande n’est pas durable. Les gouverneme­nts vont devoir trouver des alternativ­es. La légalisati­on de la consommati­on d’insectes que l’on a vue récemment en Suisse le montre bien.»

Alors, la spiruline est-elle une mode ou un aliment d’avenir? «Cela fait plusieurs siècles qu’elle est consommée dans ses pays d’origine. En Europe, elle est produite depuis une trentaine d’années, raconte-t-il. D’après moi, c’est fait pour durer. En Suisse, nous sommes juste un peu en retard, comme toujours.»

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(THIERRY PORCHET) Christophe Simon et Stéphane Sasvari devant leurs bassins de spiruline à Lonay.

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