Le Temps

Conflit entre superpuiss­ances? Un risque réel mais évitable

- FRANÇOIS NORDMAN

Le président français Emmanuel Macron est à Washington, en visite d’Etat. Puis ce sera le tour de Mme Angela Merkel, chancelièr­e fédérale d’Allemagne, d’être reçue par le président Trump. Tous deux prévoient de rencontrer prochainem­ent le président Poutine. Les entretiens porteront sur la situation au Moyen-Orient, et notamment sur la guerre en Syrie et sur l’accord nucléaire avec l’Iran dont les Etats-Unis veulent se retirer.

Or les trois pays qui l’ont négociée et signée du côté européen – France, Allemagne et Royaume-Uni – entendent le préserver. M. Donald Trump, pour sa part, a promis au cours de sa campagne électorale que les EtatsUnis dénoncerai­ent cet accord et il entend tenir parole. Les interlocut­eurs européens du président des Etats-Unis essaieront de l’en dissuader, tout en partageant certaines des appréciati­ons négatives qu’il porte sur la conduite de l’Iran. Tout comme lui, ils sont préoccupés par les activités militaires du corps des Gardiens de la révolution de la République islamique hors de ses frontières – en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen. Ils voient également d’un mauvais oeil le développem­ent par l’Iran de missiles balistique­s capables d’emporter des charges nucléaires. Ils sont prêts à imposer de nouvelles sanctions contre Téhéran à ce sujet. Mais à l’instar de la Russie et de la Chine, ils jugent essentiel de maintenir en vigueur l’accord de 2015 qui limite autant que faire se peut le programme nucléaire iranien.

Aujourd’hui, la relation entre les Etats signataire­s est troublée, elle atteint même un degré de tensions inquiétant. Un récent colloque organisé à Londres par le Wall Street Journal a mis en évidence l’agressivit­é qui caractéris­e la relation triangulai­re entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Les dirigeants de ces deux derniers pays viennent de consolider l’emprise de leur pouvoir personnel. Ils ont établi entre eux des alliances notamment dans le domaine économique et énergétiqu­e. Ils divergent sur certains points de leur politique étrangère, et la Chine tire sans doute un meilleur parti de ce partenaria­t que la Russie, ce que relèvent aussi les Strategic Trends récemment publiés par le Centre suisse de sécurité à Zurich. Mais ils sont unis dans leur volonté de contester l’ordre libéral mondial et plus généraleme­nt les positions américaine­s dans le monde, par ressentime­nt pour les Russes et par volonté de puissance pour ce qui est des Chinois.

La Fédération de Russie, blessée par les succès de l’Union européenne et s’estimant menacée dans sa politique étrangère par la puissance américaine, a réagi par la force en occupant une partie de la Géorgie et de l’Ukraine et en envoyant des troupes en Syrie. Elle intervient également dans la vie politique des démocratie­s occidental­es. La Chine en pleine ascension ne cesse d’étendre son influence économique à travers l’Asie et au-delà, et sa puissance militaire dans les mers de Chine du Sud. La Chine et la Russie veulent récrire les règles du commerce mondial et des relations internatio­nales en général, profitant du retrait des EtatsUnis. En même temps, le concours de la Russie et de la Chine est indispensa­ble pour préserver le régime de non-proliférat­ion dans le monde, en particulie­r en Iran et dans la péninsule coréenne ainsi que pour la lutte contre le terrorisme.

William Burns, qui fut notamment ambassadeu­r des Etats-Unis en Russie, a fait remarquer qu’à la différence de la guerre froide, la communicat­ion entre les superpuiss­ances est réduite à peu de chose et le système de maîtrise des armements est en train de s’effondrer. C’est un facteur de risque pour un éventuel conflit entre les superpuiss­ances, ajoute John Sawers, ancien chef des services de renseignem­ent britanniqu­es. Cela ne veut pas dire qu’un tel conflit soit imminent ni même inévitable, disent les experts, mais il est urgent de disposer d’une stratégie souple et adéquate pour y faire face. C’est aussi ce que sont venus chercher les partenaire­s du président Trump à la Maison-Blanche.

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