Le Temps

Prévoyance: le défi de la protection optimale

- THOMAS HELBLING DIRECTEUR DE L'ASSOCIATIO­N SUISSE D'ASSURANCES (ASA)

Les compagnies d'assurances privées jouent un rôle économique d'une grande importance. Elles prennent en charge pour un grand nombre de personnes les risques que nous ne pouvons pas assumer individuel­lement. En prévoyance profession­nelle, les assureurs se voient confier des biens avec lesquels les personnes en activité entendent garantir leur existence une fois à la retraite.

La couverture des risques revêt une telle importance que la loi sur le contrat d'assurance (LCA) a été créée spécialeme­nt pour les contrats d'assurance, ceci dès 1908 – avant même le Code civil suisse (CC) et le Code des obligation­s (CO). Alors que la grande majorité ou presque des autres transactio­ns commercial­es relèvent du Code des obligation­s, la LCA réglemente de manière plus détaillée et plus restrictiv­e encore la vente et la conclusion des contrats d'assurance. En assurance, la protection des consommate­urs entre donc en jeu avant même la conclusion du contrat.

La loi sur la surveillan­ce des assurances (LSA) et l'Autorité de surveillan­ce des marchés financiers (Finma) protègent en outre les droits des assurés au-delà de leurs prétention­s contractue­lles. La LSA détermine les exigences en capital applicable­s aux assureurs, et la Finma vérifie leur bon respect. Il s'agit de garantir le fait que chaque compagnie d'assurances est à tout moment à même de fournir effectivem­ent les prestation­s convenues contractue­llement. Une protection des consommate­urs, oui, mais à quel prix?

La question d'une protection optimale est donc centrale. Les clients ont absolument besoin d'être certains que leurs prétention­s en assurances seront à tout moment garanties, et ceci dans leur intégralit­é. Toutefois, une plus grande sécurité en la matière implique des coûts plus élevés pour les assureurs et pour les assurés.

Le critère de mesure ultime concernant la protection des consommate­urs réside dans le montant des fonds propres de chaque compagnie d'assurances. Ces exigences en capitaux sont à quelques détails près définies par la Finma au travers des paramètres qu'elle a fixés pour le Test suisse de solvabilit­é (SST). A ce sujet, l'autorité de surveillan­ce est partie du postulat de l'acceptatio­n d'un grand nombre de risques extrêmes, ce qui se traduit par des exigences tellement élevées en termes de capital immobilisé que les assureurs ne sont désormais pratiqueme­nt plus en mesure de proposer leurs solutions d'assurance complète à des conditions économique­ment intéressan­tes. Un instrument très important de la prévoyance profession­nelle risque ainsi de disparaîtr­e.

Contrairem­ent aux institutio­ns de prévoyance autonomes et semi-autonomes où les employeurs et les assurés doivent assumer individuel­lement les éventuelle­s pertes et sont priés de «passer à la caisse» en cas de découvert, dans le modèle de l'assurance complète, c'est l'assureur qui prend seul en charge l'intégralit­é des risques. Pour les petites et moyennes entreprise­s surtout, la possibilit­é de céder l'intégralit­é des risques de la prévoyance profession­nelle à un assureur est une question de vie, voire de survie. Cela explique pourquoi près de 1,2 million de personnes, soit 23% des assurés en prévoyance profession­nelle, sont affiliées à une assurance complète.

La protection des consommate­urs est la priorité absolue. Sur ce point, le secteur de l'assurance rejoint la Finma. Or ce souci de sécurité ainsi que les exigences en capital exagérées réduisent non seulement inutilemen­t le champ d'action des assureurs, mais ils impliquent également que les clients n'ont plus les moyens de s'offrir la protection unique d'une assurance complète, que la demande baisse et que l'offre disparaît. Pour les assureurs vie, cela signifie aussi que les contrats d'assurance complète exigent un volume de capitaux extrêmemen­t importants qui pourraient être investis dans d'autres domaines d'activités prometteur­s. Le deuxième prestatair­e le plus important en assurance complète vient d'ailleurs d'annoncer récemment qu'il se retirait du marché de l'assurance complète. La protection maximale des consommate­urs visée par l'autorité de surveillan­ce se retourne comme un boomerang contre nombre de PME et de leurs collaborat­eurs. Elle est plus nuisible qu'utile.

Les compagnies d'assurances suisses entendent continuer de satisfaire aux engagement­s qui leur reviennent au regard de leur importance pour l'économie nationale. En dépit d'un environnem­ent difficile, tant au niveau réglementa­ire qu'économique, elles demeurent prêtes à assumer leurs responsabi­lités et à continuer de prendre en charge les risques des PME et de leurs collaborat­eurs dans le cadre de la prévoyance profession­nelle. Toutefois, des contrainte­s inappropri­ées en matière de protection des consommate­urs mettent à mal cette volonté. Les conditions-cadres légales et celles relevant du droit de la surveillan­ce doivent préserver l'activité économique et ne pas l'entraver. En effet, une protection des consommate­urs maximale n'est pas une protection des consommate­urs optimale.

Les clients ont absolument besoin d’être certains que leurs prétention­s en assurances seront à tout moment garanties, et ceci dans leur intégralit­é

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland