Le Temps

«Nous ne sommes pas des demi-dieux»

- CLAUDIE-ANNE IRONDELLE MÉDIUM-GUÉRISSEUS­E RECUEILLIS PAR E. F. PROPOS

Claudie-Anne Irondelle est installée à Collex-Bossy, dans la campagne genevoise. A 43 ans, elle qui a travaillé dans le secrétaria­t médical et les assurances essaie de ne pas «laisser [sa] peau» au boulot. Elle reçoit également des soignants. Et, pour elle, tout est question de positionne­ment.

Trouvez-vous les clients plus impatients qu’avant? Pas spécialeme­nt. C’est forcément urgent quand on arrive chez le guérisseur, mais c’est à moi de choisir de ne pas répondre en dehors des heures de bureau. Sauf exception, sauf cas de force majeure.

Qu’est-ce qu’un cas de force majeur pour vous? C’est vrai que chacun le définit à sa façon… Pour moi, c’est quand il est question de vie ou de mort. C’est quelqu’un qui vient de se brûler. Pas quelqu’un qui souffre d’eczéma depuis trois mois.

Comment faites-vous avec quelqu’un qui souffre d’eczéma depuis trois mois? J’explique pourquoi il faut attendre quinze jours – quand ils entendent ça, ils pensent qu’ils vont mourir! –, je propose d’intervenir à distance avant le rendez-vous, et je conseille d’aller voir quelqu’un d’autre si la personne ne peut pas patienter. De manière générale, après avoir recadré au téléphone, si c’est de mon ressort, je donne un rendez-vous au moment libre dans mon agenda. Je prends cinq à six rendez-vous par jour, trois fois par semaine, parce que je n’ai pas envie d’y laisser ma peau. Les gens patientent ou non, c’est selon. Ceux qui me connaissen­t se passent le mot, ils savent que je suis franche, que je vais dire si je peux ou non faire quelque chose. Ils expliquent comment je fonctionne.

Soulager les gens ne vous donne pas de l’énergie? Nous ne sommes pas des demi-dieux. Nous nous fatiguons de la même façon que les autres. Certes nous avons des dons mais cela implique des responsabi­lités. Il est d’autant plus important d’être en état, d’ailleurs, pour pouvoir continuer à exercer. J’adore mon métier, je suis heureuse d’y aller mais je le fais dans certaines conditions. Je prends toutes les vacances scolaires avec mes enfants. Avant tout, je suis une personne.

Vous recevez beaucoup de soignants, de masseurs, etc. Pour quelles raisons viennent-ils? Ils arrivent très fatigués parce qu’ils donnent beaucoup et qu’ils oublient que c’est eux qui font leur agenda. Celles et ceux qui sont à bout n’ont pas posé leurs propres limites. Nous avons tous un libre arbitre. Mais quand ça marche bien, il est difficile de ne pas perdre pied, de ne pas se croire tout-puissant. Voilà pourquoi les gens sont épuisés. La prise de pouvoir des guérisseur­s sur les gens, c’est le vrai danger du métier, pas l’épuisement.

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