Le Temps

Quand la BNS misera-t-elle sur le développem­ent durable?

- SUSANA JOURDAN ET JACQUES MIRENOWICZ RÉDACTEURS EN CHEF DE «LA REVUE DURABLE», CODIRECTEU­RS DES ARTISANS DE LA TRANSITION

A l’approche de l’Assemblée générale de la Banque nationale suisse, qui aura lieu vendredi 27 avril à Berne, ses dirigeants ont de quoi être confiants. Le franc Suisse se porte bien et la banque boucle la meilleure année de son histoire: 54 milliards de profits. Depuis 2009, la BNS a créé autant d’argent qu’elle a voulu pour lutter contre le renchériss­ement du franc suisse.

Elle est aujourd’hui à la tête de l’une des plus grandes fortunes mondiales: 843 milliards de francs. Pas loin du fonds souverain chinois, deuxième plus grande fortune au monde avec 870 milliards de francs. Et devant le total des 1700 institutio­ns de prévoyance profession­nelle – 824 milliards de francs fin 2017 – qui gèrent le capital des retraites en Suisse.

Le poids de la BNS pour orienter la place financière helvétique vers le respect de l’Accord de Paris sur le climat et influencer le cours de la transition énergétiqu­e est donc immense. Elle est en position de force pour choisir d’aggraver ou de diminuer le réchauffem­ent du climat.

Or, malheureus­ement, la BNS fait fructifier sa fortune sans aucun égard pour le climat. Le rapport des Artisans de la transition publié cette semaine montre que le portefeuil­le d’actions connu de la BNS (92 milliards de francs, soit l’équivalent de 60% de ses placements en actions) est à l’origine de 48,5 millions de tonnes d’émissions de CO2 en 2017. Soit plus que les émissions totales imputées à la Suisse en 2016 (48,3 millions de tonnes).

Ce résultat confirme le précédent rapport des Artisans, publié en 2016, et révèle que la BNS ne fait rien pour réduire l’impact climatique de sa fortune. Interpellé­e par les Artisans de la transition, par l’Alliance climatique, par des personnali­tés du monde académique, la réponse de la BNS est invariable: sa mission première concerne la politique monétaire. Et le Conseil fédéral ajoute: la BNS est indépendan­te.

Tout cela est vrai, bien sûr. Le mandat légal de la BNS se limite à la politique monétaire. Et en tant qu’entité indépendan­te, rien ne l’oblige à s’intéresser à l’Accord universel sur le climat signé à Paris fin 2015, puis ratifié par presque tous les Etats de la planète, dont la Suisse. Mais rien non plus ne lui interdit de s’y intéresser: elle a toute légitimité pour le faire.

Ce faisant, elle se mettrait au diapason de huit autres banques centrales – toutes aussi indépendan­tes que la BNS – qui ont, fin 2017, créé un réseau d’échange sur les moyens d’orienter les marchés financiers vers la lutte contre le changement climatique. Ou de la Banque mondiale, qui cessera tout financemen­t d’infrastruc­tures d’exploitati­on de gaz et de pétrole à partir de 2019.

Alors que le parlement fédéral débat de la révision de la loi sur le CO2 et qu’une initiative parlementa­ire prévoit de modifier la loi sur la BNS pour l’amener à devoir respecter l’article 2 de la Constituti­on, sur la durabilité et la préservati­on des ressources naturelles, l’adoption d’une politique climatique aurait d’énormes effets collatérau­x positifs. Elle décuplerai­t l’efficacité des politiques publiques climatique­s fédérales et éviterait un énorme gâchis d’argent public:

Certaines des entreprise­s nocives pour le climat dans lesquelles la BNS investit violent en outre localement les droits de l’homme. La charte éthique de la BNS lui demande pourtant de ne pas le faire. Enfin, désinvesti­r de ces entreprise­s n’impliquera­it aucune perte financière. Plutôt un bénéfice. Les dirigeants ne la BNS n’ont-ils vraiment pas envie de faire mieux?

En tant qu’entité indépendan­te, rien n’oblige la BNS à s’intéresser à l’Accord universel sur le climat

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