Le Temps

«Elèves et enseignant­s n’ont plus à se censurer»

- RECUEILLIS PAR F. G. PROPOS

Le jeu comme support pédagogiqu­e n’est plus un tabou. A condition de développer les bonnes stratégies, estime Isaac Pante, l’un des cofondateu­rs du GameLab

Président de la Section des sciences du langage et de l’informatio­n de l’Unil, membre du comité scientifiq­ue du master en humanités numériques de cette même université et cofondateu­r du GameLab, Isaac Pante voit dans le numérique un terreau fertile pour faire émerger de nouvelles compétence­s chez les élèves.

Des jeux vidéo dans les salles de cours, vous y croyez? Et comment! Toute stratégie pédagogiqu­e implique d’aller chercher les élèves là où ils sont, et qu’enseignant­s et étudiants parlent le même langage. Aujourd’hui, les jeunes génération­s baignent dans les jeux vidéo, et de plus en plus d’enseignant­s sont également des joueurs. Il est très intéressan­t de mobiliser ces pratiques partagées à des fins pédagogiqu­es.

Les jeux vidéo éducatifs ne sont pourtant pas nouveaux? Non, ils existent depuis longtemps. J’ai moi-même passé beaucoup de temps sur Civilizati­on et sa Civilopedi­a [l’encyclopéd­ie intégrée au jeu, ndlr] et j’apprenais un tas de choses sur les grandes découverte­s, etc. J’aurais aimé mobiliser ces savoirs en cours! Mais de mon temps, ce genre d’approche n’aurait pas été envisageab­le. Le jeu vidéo était alors considéré uniquement comme un divertisse­ment et non comme un outil de médiation, voire un bien culturel à part entière. Aujourd’hui, de nombreuses études ont établi que les contextes ludiques favorisent une vaste gamme d’apprentiss­ages. Et nous étudions désormais le jeu vidéo en Faculté des lettres, au même titre que les romans et les films! Elèves et enseignant­s n’ont donc plus à se censurer.

En quoi les jeux vidéo et le numérique changent-ils la donne en termes de transmissi­on de la connaissan­ce? C’est un sujet immense! Il existe un fascinant éventail de stratégies pédagogiqu­es. Outre le rapprochem­ent enseignant-élève, l’emploi du jeu vidéo peut construire chez les apprenants un regard particulie­r sur l’objet culturel luimême. Comme l’a montré le cours public, jouer à un jeu sur l’Egypte antique offre une occasion de s’interroger sur cette représenta­tion particuliè­re de l’Histoire. Quant à l’impact du numérique, souvenons-nous simplement que les supports d’informatio­n ont un impact sur le message transmis et la pensée qui en découle. Le livre de poche a changé la littératur­e. Imaginez le numérique!

«De nombreuses études ont établi que les contextes ludiques favorisent une vaste gamme d’apprentiss­ages» ISAAC PANTE, COFONDATEU­R DU GAMELAB

Aujourd’hui, les écoles sont encore sous-équipées en matériel numérique. Comment résoudre le problème? Par une volonté politique qui se donne les moyens de ses ambitions. En 2017, la Confédérat­ion a émis un rapport sur les «Défis de la numérisati­on pour la formation et la recherche en Suisse» incitant les divers acteurs de la formation à promouvoir la culture numérique en Suisse. La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instructio­n publique (CDIP) en a pris acte, si bien que l’informatiq­ue devrait devenir une branche obligatoir­e au gymnase à l’horizon 2022. Ceci dit, les besoins en matériel peuvent grandement varier en fonction des scénarios pédagogiqu­es et des contenus retenus. Avec des moyens bien différents de l’EPFL par exemple, voilà vingtcinq ans que nous enseignons avec succès une informatiq­ue adaptée à un public de sciences humaines et sociales. Tout est affaire de stratégie pédagogiqu­e. ▅

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