Le Temps

Les cumulards d’heures de la police genevoise

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

La Cour des comptes esti me que l e contrôle, l es horaires et la planificat­ion des événements laissent toujours à désirer. Un groupe de 25 policiers génère à lui tout seul 200 heures supplément­aires par année

Dix ans et quatre rapports plus tard, la problémati­que des heures supplément­aires de la police genevoise est toujours loin d’être réglée. La Cour des comptes dresse un bilan très mitigé du suivi de ses recommanda­tions, déplore «une inertie manifeste» et relève que la direction de l’institutio­n a beaucoup de mal à réformer la gestion courante et la planificat­ion des effectifs même «si le changement de culture est en train de s’amorcer». Un défaut de maîtrise qui coûte environ 6 millions de francs par an, déduction faite des 9 millions d’heures récupérées et sans compter les 3 millions liés aux heures de piquet.

Sollicitée pour vérifier le bon usage de ses conseils et pour donner un coup de main, la cour a constaté que de nombreuses lacunes existaient encore dans l’organisati­on et le contrôle même si les courbes montrent, de 2012 à 2016, une diminution progressiv­e des heures supplément­aires, une petite baisse aussi des heures majorées à 100% (en fonction du moment et du délai de mobilisati­on) et une augmentati­on des reprises en temps. Par contre, 2017, année faste en termes d’événements à fort déploiemen­t policier, fait à nouveau exploser le stock et surtout celui des heures payées à double.

Les «top scorers»

Un tableau de suivi des compteurs individuel­s des «top scorers » , selon l a terminolog­ie employée, montre que les 25 mêmes policiers ont effectué plus de 200 heures supplément­aires effectives (avec des pics à 540) chaque année et cela durant les cinq dernières années alors que les effectifs ont été augmentés de 67 postes durant la même période. Ces mêmes personnes sont au nombre de 55 dans le peloton de tête des cumulards si l’on rétrécit le champ à trois ans et de 97 si l’on se limite aux deux dernières années.

Aux yeux de la cour, cette situation montre sans doute que des spécialist­es manquent dans certains secteurs et que la hiérarchie recourt toujours aux mêmes. Cela étant, Stanislas Zuin précise que «la police n’est pas en mesure de dire de manière fiable pourquoi des 25 «top scorers» sont les plus sollicités». Quelle que soit la raison de ces mobilisati­ons ciblées, la cour estime que de telles contrainte­s sont dommageabl­es sur la vie privée de ces policiers.

Payés plus pour travailler moins

Leur rémunérati­on s’en voit par contre nettement augmentée et cela crée des inégalités avec leurs collègues. En raison des majoration­s importante­s (25% ou 100%) de ce type d’heures, certains des «top scorers» ont travaillé effectivem­ent entre 86% et 89% du temps prévu tout en étant payés à 100% et ont bénéficié d’une dotation complément­aire variant entre 14000 et 24000 francs par année.

En résumé, ils sont payés plus pour travailler moins. La cour est d’avis qu’il faut un cadrage plus incisif pour l’ensemble des 200 policiers les plus sollicités qui totalisent 30% du total des heures supplément­aires. Une attention soutenue devra également être portée au Détachemen­t de protection rapprochée, chargé de la sécurité des personnali­tés, qui semble avoir un évident problème de gestion des horaires.

Perplexité

Un autre aspect mérite «un coup de collier». Il s’agit de l’affectatio­n du personnel policier à des tâches qui pourraient être confiées à du personnel administra­tif, permettant ainsi d’affecter les agents au travail de terrain tout en baissant la facture. La cour estime le potentiel d’économies supérieur à 1 million de francs par an. «De récentes offres d’emploi nous laissent perplexes», ajoute Stanislas Zuin pour illustrer l’absence de dynamique positive en matière de transfert de postes.

Pour finir sur une note plus positive, la cour souligne que «la moitié du chemin a été parcourue» et distingue «une volonté de tourner la page». Ce qui n’est pas une mince affaire dans une institutio­n où tout chamboulem­ent entraîne de bruyantes protestati­ons syndicales.

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