Le Temps

«La Suisse est schizophrè­ne»

- B. B., BERNE

A la lumière de la publicatio­n du rapport Cornu, qui documente la destinée de l’unité secrète suisse P-26, l’historien Hans-Ulrich Jost porte un regard critique sur les agissement­s de la Suisse au XXe siècle

Publié mercredi par le Conseil fédéral, le rapport Cornu révèle entre autres l’importante influence de la Grande-Bretagne sur la P-26, une unité militaire secrète suisse formée durant la guerre froide.

L’existence de cette cellule suscite la polémique avant tout pour deux raisons, selon Hans-Ulrich Jost, historien spécialist­e de la Suisse contempora­ine: «Tout d’abord par le fait que les militaires ont fait quelque chose dans le secret, ce qui ne plaît pas aux politiques. Ensuite, plus grave, parce que cette organisati­on a entretenu des liens avec des organisati­ons militaires étrangères à l’encontre de la neutralité.»

«Des unités non conformes à la Constituti­on»

Rien d’étonnant à cela pourtant, selon l’historien, qui ne mâche pas ses mots: «L’histoire militaire suisse démontre qu’au XXe siècle, le commandeme­nt de l’armée a continuell­ement formé des unités non conformes à la Constituti­on ou entrepris des démarches contraires à la neutralité.»La coopératio­n entre la Suisse et la Grande-Bretagne s’inscrit ainsi selon lui «dans la continuité d’une longue tradition d’accords plus ou moins secrets entre le commandeme­nt de l’armée suisse et les Britanniqu­es».Des contacts qui perdurent indubitabl­ement de nos jours, affirme-t-il: «Ça continue. La Suisse est schizophrè­ne. Le pays prétend toujours être souverain et neutre. Mais en réalité il essaie en permanence d’obtenir des accords qui lui permettent de profiter des institutio­ns étrangères, qui sont beaucoup plus compétente­s que les nôtres.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland